Patrick Monay | 22.01.2010 | 00:02
«Nous sommes à Collombey, en Suisse.» Alli, Nigérian de 26 ans, répète minutieusement la phrase que lui souffle François, l’enseignant. C’est un matin comme les autres, à l’unité d’accueil pour candidats réfugiés. Au programme: deux heures de cours de français. Quatorze élèves sont assis dans la salle. Ils viennent presque tous d’Afrique de l’Ouest.
C’est dans ce foyer chablaisien qu’étaient hébergés sept des 11 hommes arrêtés l’an dernier pour trafic de cocaïne (lire ci-dessous). Y a-t-il encore des dealers parmi les 38 hommes qui vivent dans ces baraquements de bois? Le mois dernier, dans Le Nouvelliste, les patrons de deux bars situés dans les environs affirmaient avoir fait déguerpir des requérants, qu’ils soupçonnaient de vendre de la drogue. «Des cas isolés, réplique Pierre-André Genoud, responsable de l’unité. Je connais tous les pensionnaires. C’est l’avantage d’une petite structure.» Emile Blanc, chef de la section asile du Service valaisan de l’action sociale (SAS), tient aussi à nuancer: «Dans leur très grande majorité, les personnes dont nous nous occupons (ndlr: 1700 hommes, femmes et enfants) ont un comportement tout à fait correct.»
A Collombey, cinq employés assurent l’encadrement des demandeurs d’asile. «Nous surveillons toutes les allées et venues, assure Pierre-André Genoud. Le règlement est strict concernant les visiteurs. Le soir et la nuit, il y a toujours un veilleur qui fait le boulot. Et nous collaborons étroitement avec la police.» Par exemple en lui signalant les plaques d’immatriculation de voitures suspectes.
La responsabilité du personnel s’arrête aux abords immédiats du foyer. «A peine arrivés, certains requérants reçoivent par la poste, de la part de Dieu sait qui, un abonnement CFF demi-tarif, témoigne Pierre-André Genoud. Quand ils partent pour Lausanne ou Sion, impossible de dire ce qu’ils vont y faire.»
Alli, lui, dit ne pas pouvoir se déplacer. Comme la moitié des hommes accueillis entre ces murs, il a vu sa demande d’asile rejetée. Son statut de «requérant débouté» lui donne droit à l’hébergement et à la nourriture, mais rien de plus. «Je n’ai pas d’argent pour voyager, se désole-t-il en anglais. Du coup, les cours de français qu’on nous donne ne me sont pas très utiles.» Arrivé à Collombey il y a deux mois, le jeune Nigérian se sent seul. Il préfère ne pas penser à son pays, «instable et plein de problèmes».
Emile Blanc souhaiterait pouvoir offrir à Alli et aux autres personnes déboutées les mêmes conditions qu’aux requérants dont le dossier est en cours de procédure. Car ces derniers ont la possibilité, après trois mois de séjour en Suisse, de se former et de travailler. «Un gage de stabilité et d’intégration, estime le fonctionnaire valaisan. L’occupation, c’est le meilleur moyen d’éviter les problèmes d’incivilité et de délinquance.»
Peinture, menuiserie ou cuisine: le Valais gère plusieurs ateliers pratiques à Vétroz, près de Sion. Après y être passés, plusieurs candidats réfugiés intègrent les équipes de maintenance du SAS, qui assurent notamment l’entretien des foyers d’accueil et des quelque
500 appartements que l’Etat loue dans tout le canton pour les requérants. A la clé, une «prime de motivation» mensuelle de 300 francs, qui s’ajoute aux 160 francs qui leur sont alloués en guise d’argent de poche.
«Faute de mieux», l’ingénieur fait la cuisine
A Collombey, plusieurs de ces ouvriers achèvent la rénovation des locaux, pinceau en main. Il y a aussi l’équipe chargée de la subsistance, autour de Thomas, le chef cuisinier valaisan. Parmi les sept requérants qui la composent, Redwan, un Syrien de 27 ans, arrivé ici l’an dernier. «J’aime beaucoup ce que je fais, confie-t-il en préparant des chaussons aux pommes. J’ai pu apprendre le français. J’espère pouvoir rester en Suisse et pratiquer ce métier.»
Aloys, citoyen du Burundi, se montre moins enthousiaste. A 33 ans, cet ingénieur électricien fait la cuisine, «faute de mieux». Une fois son service terminé, il rentre à vélo dans son studio, à Monthey. Il regarde la télé et espère que son recours, déposé il y a plus d’un an, fera aboutir sa demande d’asile. «Ma femme est réfugiée en Ouganda. Je n’ai que de très rares contacts avec elle. Pourvu qu’elle puisse me rejoindre un jour…»
La drogue? Aloys écarte la question. «Je ne fume même pas. Ce qui se passe peut-être ici, je le lis dans les journaux, comme tout le monde. La police est venue un jour, mais je ne sais pas pourquoi. De toute façon, cela ne me concerne pas.»
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