lundi 14 décembre 2009

Politique migratoire ou discriminatoire?

LE COURRIER
EDITORIAL - OLIVIER CHAVAZ

Paru le Samedi 12 Décembre 2009

Politique migratoire ou discriminatoire?

Le Conseil des Etats a décidé jeudi de réexaminer la recevabilité de l'initiative de l'UDC «pour le renvoi des étrangers criminels». En plein psychodrame provoqué par le «oui» surprise à l'interdiction des minarets, une large majorité de la classe politique préfère dorénavant y regarder à deux fois avant de soumettre au peuple une nouvelle proposition juridiquement controversée. Celle-ci vise à expulser automatiquement un étranger condamné pour meurtre, viol et autres délits sexuels graves, traite d'êtres humains, trafic de drogue, mais aussi pour brigandage, effraction et abus de prestations des assurances sociales ou d'aide sociale...

Comme l'a rappelé la section suisse d'Amnesty international, l'initiative viole notamment le principe de non-refoulement –règle de droit international impérative– accordé aux réfugiés protégés par la Convention de Genève. Si la prudence des sénateurs sur cet objet est à saluer, une approche uniquement juridique n'est guère satisfaisante pour les défenseurs des droits des migrants. En effet, le contenu du contre-projet indirect du Conseil fédéral n'est pas beaucoup moins choquant sur le plan humain, en dépit de sa conformité avec le droit supérieur. Il prévoit lui aussi de renforcer la double peine. Renvoyer dans son pays d'origine une personne née en Suisse ou qui y a construit sa vie n'est pas un principe acceptable. Enfin, le gouvernement veut profiter de l'occasion pour conditionner les critères d'obtention d'une autorisation d'établissement illimitée à une «bonne intégration», même après dix ans de séjour et y compris dans le cadre du regroupement familial.

L'ensemble de la politique migratoire helvétique est sous l'emprise d'une vision sécuritaire et identitaire. A ce jeu-là, il est fort commode de désigner les pyromanes de l'extrême droite. Sans le suivisme du camp bourgeois, les innombrables tours de vis législatifs de ces deux dernières décennies n'auraient jamais pu voir le jour. Et la tendance ne fait que s'accélérer: la modification du code civil interdisant le mariage aux sans-papiers entre en vigueur le 1er janvier prochain, la nouvelle loi sur l'asile est déjà en cours de révision et la libre-circulation des personnes commence à prendre du plomb dans l'aile.

Ce samedi, les organisations de solidarité se réunissent à Berne pour les troisièmes états généraux des migrants et des réfugiés. Leur but: trouver de nouvelles formes de protestation susceptibles de convaincre la population. Seul le réveil de la société civile pourrait enrayer le cycle d'exclusion et de discrimination. Mais, après la votation du 29 novembre, on devine qu'il ne se produira pas demain matin.

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