Les sénateurs tirent la leçon du vote sur les minarets. Ils envisagent d'opposer un contre-projet direct à l'initiative UDC sur le renvoi, ou de l'invalider. Un article de Christiane Imsand dans le Nouvelliste.
Les démocrates du centre ont eu beau tempêter, ils se sont retrouvés totalement isolés. Le Conseil des Etats a décidé hier par 30 voix contre 6 de reporter le débat sur l'initiative de l'UDC pour le renvoi des étrangers criminels. Le but est de donner le temps à la commission des institutions politiques de se repencher sur la recevabilité de cette initiative et d'étudier la possibilité de lui opposer un contre-projet direct (de niveau constitutionnel) au lieu du contre-projet indirect (de niveau législatif) proposé par le Conseil fédéral.
Mieux vaut prévenir...
Le vote sur les minarets est à l'origine de ce renvoi en commission. Depuis la surprise du 29 novembre, les sénateurs se sont rendu compte qu'il valait mieux s'inquiéter des conséquences d'une initiative avant la votation, plutôt qu'après. «C'est une manoeuvre dilatoire, s'indigne l'UDC argovien Maximilian Reimann. Vous avez peur de cette initiative et vous voulez faire en sorte que la votation populaire ait lieu après les élections fédérales de 2011.»
Réponse du président de la commission Hansheiri Inderkum (PDC/UR): «L'initiative sur les minarets a suscité des réactions vives et émotionnelles qui posent des questions nouvelles. Ce réexamen ne prendra pas des années. Le débat en plénum aura lieu lors de la session de mars.»
Contre-projet direct
La situation a ceci de particulier que la commission avait terminé ses travaux. Elle avait abouti à la conclusion que l'initiative était recevable mais qu'elle était excessive et qu'il fallait la rejeter au profit du contre-projet indirect du Conseil fédéral. Cette stratégie est désormais jugée insuffisante. Plusieurs libéraux radicaux ont défendu hier l'idée d'un contre-projet direct qui présente l'avantage de pouvoir offrir une alternative claire au moment de la votation populaire. «Après les initiatives sur les minarets, sur l'internement à vie des criminels dangereux et sur l'imprescriptibilité des crimes pédophiles, nous avons eu notre content d'initiatives qui posent des problèmes de mise en oeuvre, souligne l'Argovienne Christine Egerszegi. On trompe le peuple en ne le confrontant pas d'emblée avec ces difficultés.»
Invalider l'initiative
Il sera néanmoins difficile de trouver un consensus sur le texte d'un contre-projet. Le PDC et le PLR pourraient éventuellement se mettre d'accord, mais on voit mal la gauche avaliser un texte qui durcirait la pratique actuelle du renvoi des délinquants étrangers. C'est bien pourquoi la gauche rose-verte, ainsi qu'une partie du PDC, est plutôt favorable à une invalidation de l'initiative. Ils ont été nombreux à souligner que celle-ci ne respecte pas le principe de non-refoulement qui interdit le renvoi d'une personne dans un pays où sa vie serait menacée. «Nous avons reçu une lettre de mise en garde du Haut commissariat aux réfugiés», indique le Vert genevois Robert Cramer.
Pour la démocrate-chrétienne jurassienne Anne Seydoux, «la démocratie implique le respect des droits de l'homme. Le Parlement doit avoir le courage de modifier la pratique libérale qui prévalait jusqu'ici.» A ce jour, l'initiative des Démocrates suisses «pour une politique d'asile raisonnable» est la seule à avoir été invalidée pour manque de conformité avec le droit international. Cette décision remonte à 1996.
L'UDC a publié hier soir un communiqué indigné. Elle dénonce un mépris du processus de décision démocratique qui témoigne «d'une inquiétante indigence intellectuelle et morale».
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