vendredi 9 octobre 2009
Querelle autour du symbole du minaret
Le 29 novembre, le peuple se prononce sur une initiative demandant l'interdiction de construire de nouveaux minarets. Alors que ses promoteurs entendent lutter contre un symbole politique, ses adversaires redoutent une menace pour la paix confessionnelle et l'image de la Suisse dans le monde.
Cette initiative populaire émane de l'Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et de l'Union démocratique fédérale (UDF / droite religieuse). Munie de presque 115'000 signatures, elle avait été déposée à la Chancellerie fédérale en juillet 2008.
Le contenu de l'initiative est limpide. Le texte soumis au peuple ne contient en effet qu'une seule phrase stipulant que «la construction de minarets est interdite».
Une question de symbole...
Les auteurs de l'initiative se défendent de vouloir s'en prendre à la liberté de culte ou, plus précisément, à la religion musulmane. Pour eux, l'interdiction des minarets ne remet pas en cause la pratique religieuse (il ne s'agit en effet pas de fermer les mosquées).
«Nous ne nous attaquons nullement à la pratique religieuse, car le minaret n'est pas nécessaire à cette pratique, explique Oskar Freysinger, député UDC et membre du comité d'initiative. Mais à nos yeux, le minaret est très clairement le symbole d'un islam politique qui essaie gentiment de prendre sa place en Europe et en Suisse.»
«C'est un peu comme le voile des femmes qui symbolise une certaine position de la femme et qui est incompatible avec nos lois civiles, poursuit-il. Il n'est donc pas question d'accepter de nouveaux minarets sans la garantie de l'acceptation sans restriction de notre droit civil de la part des musulmans.»
Pour les adversaires de l'initiative, il ne faut pas voir de symbole politique dans les minarets. «Est-ce que les clochers sont un symbole politique du catholicisme? Je ne le crois pas, déclare ainsi le député vert Antonio Hodgers. C'est juste de l'architecture qui donne un symbolisme religieux au bâtiment, qu'il s'agisse d'un clocher ou d'un minaret.»
... mais aussi de valeurs
Cette vision différente de la portée symbolique du minaret fait que les protagonistes du débat misent sur des valeurs différentes pour étayer leurs arguments.
Pour les partisans, il s'agit de protéger l'Occident contre un islam perçu comme une menace. «Le clash entre l'Occident et l'islam s'est produit depuis longtemps déjà», juge Oskar Freysinger.
Mais pour les adversaires, combattre ce texte représente également une question de valeur. «Cette initiative est une atteinte à des droits fondamentaux dont la Suisse s'est dotée depuis 1848, à savoir la neutralité religieuse de l'Etat et la liberté de culte», estime Antonio Hodgers.
Concernant cette liberté de culte et ce respect des minorités, Oskar Freysinger rappelle que le nombre de chrétiens est en diminution dans certains pays musulmans. Par ailleurs, il est impossible de construire des églises dans un pays comme l'Arabie saoudite. Alors pourquoi laisser construire des minarets en Europe?
Mais pour Antonio Hodgers, cet argument de la réciprocité n'a pas de sens. «Nous devons être attachés à nos propres valeurs qui sont la tolérance et le respect des minorités. Nous devons savoir qui nous sommes.»
Image de la Suisse
Dès son lancement, l'initiative ainsi que les propos tenus par ses partisans ont créé des remous, même au-delà des frontières nationales. C'est ainsi, par exemple, que l'Organisation de la conférence islamique s'en est inquiétée.
Face à ces remous, le gouvernement a immédiatement réagi, ce qui est inhabituel. Par la voix du président de la Confédération de l'époque, Pascal Couchepin, le gouvernement a fait savoir que cette proposition n'émanait ni de l'exécutif ni du Parlement suisses et a demandé qu'elle soit refusée.
Les adversaires de l'initiative restent persuadés qu'une interdiction des minarets aurait de fâcheuses conséquences pour la Suisse. «Il est évident que cela aurait un impact catastrophique au niveau de l'image, juge Antonio Hodgers. La Suisse serait le seul pays occidental à le faire.»
Mais il y a encore plus grave que le seul problème d'image. «Les pays musulmans verraient cette interdiction comme une humiliation, poursuit-il. Ce serait se désigner comme cible potentielle pour les mouvements islamistes terroristes.»
Pour Oskar Freysinger, ces menaces ne constituent pas un argument. «En gros, il faut se coucher pour vivre en paix, déclare-t-il. C'est ce que Chamberlain et Daladier ont pensé à Munich en 1938. Je ne crois pas que tendre l'autre joue dans le domaine de la politique internationale soit la bonne solution. Et si les conséquences sont telles, c'est la preuve que ce que nous faisons pour nous défendre est légitime.»
Les affiches de la discorde
Parmi les moyens à disposition pour que les citoyens puissent se faire une opinion, il y a les traditionnelles affiches. Mais là aussi, le thème suscite la polémique.
L'UDC a fait paraître des affiches montrant une Suisse couverte de minarets et avec une femme voilée (voir la galerie ci-contre). Les autorités de plusieurs communes se sont montrées choquées par cette propagande. La Commission fédérale contre le racisme a également protesté.
Unanimes à critiquer l'affiche, les membres de l'Union des villes suisses n'ont toutefois pas réussi à s'accorder sur une position commune. C'est ainsi que l'affiche controversée a été interdite à Fribourg, Lausanne, Yverdon-les-Bains ou encore Bâle, alors qu'elle a été autorisée à Genève, Zurich, Lucerne et Winterthour
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