Pierre Henry, directeur général de l'association France Terre d'Asile, revient sur la décision d'Eric Besson d'expulser trois Afghans vers leur pays d'origine, actuellement en guerre.
Comment avez-vous réagi après l'expulsion de trois Afghans vers leur pays d'origine, sur ordre du Ministre de l'Immigration ?
Trois expulsion, trois, c'est la confirmation qu'Eric Besson et plus largement Nicolas Sarkozy veulent faire valoir une politique de fermeté qui sacrifie volontiers certains principes. C'est un chiffre symbolique qui cherche à exécuter un projet présidentiel. On ne renvoie pas des gens dans un pays en guerre où l'insécurité est généralisée, il suffit d'ailleurs au Ministre de l'Immigration de consulter le site de son collègue des Affaires étrangères pour le comprendre. C'est écrit noir sur blanc. L'un des arguments d'Eric Besson, ça a été de dire "les autres pays européens le font", pourquoi pas nous ? Alors je fais remarquer que c'est un argument qui manque singulièrement d'ambition, et qui tire l'Europe vers des pratiques détestables. Et les Britanniques, qui ont renvoyé plus de 350 personnes en 2008, n'ont pas jugulé l'immigration vers leur pays. Il s'agit, d'une certaine manière, de nourrir un courant idéologique qui veut son courant de fermeté. C'est aussi très insidieux sur le plan de la politique étrangère, ça ne va pas aider le but de guerre de la coalition en Afghanistan, y compris celui des forces françaises. On ne peut pas avoir comme but de guerre la paix et la démocratie, et estimer que l'on peut renvoyer des gens dans un pays où l'on estime que la terreur est en vigueur.
C'est un acte détestable de communication pour vous ?
On est dans la pure idéologie. Nicolas Sarkozy avait affirmé qu'à l'approche des régionales, deux marqueurs identitaires seraient actionnés : la sécurité et l'immigration. L'un des deux vient d'être actionné, à un moment clé, à mi-mandat, alors que commencent à apparaître un certain nombre de difficultés.
Le fait que certains députés UMP se montrent consternés par cette situation renforce-t-elle le caractère insupportable de cette décision ?
Bien sûr. Il y a un moment où la ligne jaune est franchie. On ne renvoie pas des gens dans un pays en guerre, je le répète. Surtout lorsqu'on nous dit que la situation est de plus en plus terrible chaque jour. Je pense que l'opinion publique ne partage pas cet objectif de renvoi, Monsieur Sarkozy va s'en rendre compte.
Selon vous c'est une erreur stratégique de la part du gouvernement ?
Je ne sais pas, ça dépend où l'on place le curseur. Sur l'évacuation de la jungle de Calais, j'avais dit que jamais ne me maintiendrai un bidonville comme celui-là. Les Français eux, ont estimé que c'était une mauvaise chose. Mais la majorité des électeurs de droite estimait que c'était une bonne chose. Clairement, le gouvernement ne travaille plus dans une optique d'intérêt général. C'est un problème.
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