vendredi 30 octobre 2009

L’UDF combat les minarets la Bible dans la poche

dans 24h

CONVICTIONS | L’Union démocratique fédérale lutte contre l’avortement, la drogue ou les mœurs dissolues. Elle vient d’ajouter les minarets à la liste de ses cibles. Qui sont ces croisés de la foi?

© JEAN-PAUL GUINNARD | «Tous nos combats sont inspirés de la Bible, et nous prions avant chaque réunion», dit le secrétaire romand de l’UDF, Maximilien Bernhard, d’Yverdon-les-Bains.

Patrick Chuard | 29.10.2009 | 00:01

Discrète, la campagne antiminarets de l’UDF, qui a pourtant lancé l’initiative. Les trompettes de Jéricho de ces chrétiens évangéliques restent quasi inaudibles à côté du boucan publicitaire de l’UDC. Normal, puisque la formation chrétienne est confidentielle, avec un unique représentant au parlement fédéral. Et le parti blochérien lui fait de l’ombre.

Ces chrétiens engagés en politique citent volontiers le Christ et l’Evangile. Est-ce bien charitable de stigmatiser la minorité musulmane de Suisse en leur refusant la construction de minarets? «Mais nous défendons la liberté de croyance et de culte, répond Maximilien Bernhard (40 ans), secrétaire romand de l’UDF et député vaudois. Les minarets sont superflus à l’exercice de l’islam, ils ne sont pas cités dans le Coran.»

Pourquoi toutes les Eglises chrétiennes, y compris le réseau évangélique, dont l’UDF est censée être proche, combattent l’initiative? «Le premier sondage avant la votation montre que 42% des membres des Eglises protestantes y sont favorables», commence par rétorquer l’ingénieur d’Yverdon-les-Bains. Avant de reconnaître qu’il n’y a «pas unanimité» sur la question au sein de l’UDF elle-même.

«Symbole de conquête»
Ce que l’UDF prétend combattre, c’est «un symbole de conquête islamique». L’initiative «ne vise pas les musulmans, mais une minorité de prêcheurs intégristes, qui veulent agrandir l’islam, selon Marc Früh, éducateur et député du Jura bernois. Des musulmans modérés nous ont mis en garde contre certains «prêcheurs de haine», qui voudraient imposer la burka et les minarets en Suisse.»

En somme, l’idée consiste à défendre une terre chrétienne contre une supposée invasion. Mais la Suisse n’est-elle pas devenue laïque? «Je ne veux pas que la Suisse redevienne une société plus chrétienne, car le Christ n’impose pas son message, dit Philippe Menoud (39 ans), électronicien et militant UDF dans la Glâne fribourgeoise. Mais si on laisse les minarets s’installer, on laisse faire la domination que l’islam veut imposer aux autres religions.» Cet ancien catholique, qui dit avoir «découvert l’existence de Dieu» à 20 ans, après avoir tâté de l’occultisme, veut s’en tenir «aux valeurs de nos aïeux, qui ont fait leurs preuves pendant des décennies, voire des siècles».

Ardent pourfendeur de l’initiative antiminarets, chrétien affiché lui aussi, Jacques Neirynck (PDC/VD) se désole de ce combat de l’UDF: «Ils instrumentalisent la religion pour recruter des électeurs, ça n’a pas d’autre sens.» Pourtant, Jacques Neirynck a été élu au Conseil national grâce à un apparentement avec l’UDF… «C’est vrai, et nous sommes d’accord sur de nombreux points, comme l'euthanasie», s’empresse-t-il de préciser.

«Une certaine réserve»
L’initiative divise les chrétiens. Maximilien Bernhard le constate. D’autant mieux qu’il a lui-même des doutes: «Je dis: «Oui, mais.» J’assume la décision du parti, et personnellement je m’engage pour cette initiative, tout en ayant une certaine réserve sur le plan philosophique», avoue le secrétaire romand. Une opinion timidement défendue… A l’image des affiches de l’UDF (un minaret derrière une façade de maison allemande), nettement moins provocantes que celles montrant une femme voilée et des minarets sur un drapeau suisse, interdites par certaines villes. «Nous avons voulu faire une affiche moins négative, c’était une demande claire des délégués», signale Maximilien Bernhard. Mais ne risque-t-elle pas de passer inaperçue?

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