mardi 14 avril 2009

DÉJÀ UNE NOUVELLE RÉVISION DU DROIT D'ASILE

DÉJÀ UNE NOUVELLE RÉVISION DU DROIT D'ASILE

11 avril 2009 - FRANÇOIS NUSSBAUM  -  Dans le Nouvelliste

BERNEA peine a-t-on mis en vigueur les dernières révisions du droit d'asile et des étrangers (début 2008), qu'on remet déjà ça. «Pour lutter contre les abus», assure le Conseil fédéral. Et pour contrer l'initiative «renvoi» de l'UDC.

La conseillère fédérale  Eveline Widmer-Schlumpf parle de clarification juridique: la désertion, par exemple, ne serait plus un motif d’asile. KEYSTONE

Après le durcissement général de la loi sur l'asile, en 2007-2008, le Conseil fédéral estime que, pour faire face à «l'afflux des requérants», il faut «accélérer les procédures» et «lutter contre les abus». Les trois arguments sont utilisés à chaque révision depuis 1985. De nouvelles mesures ont donc été mises en consultation, jusqu'au 15 avril. Le Parlement sera ensuite saisi d'un projet définitif.

Le signal était donné avant même l'entrée en vigueur de la dernière révision. En 2005, suivant un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, la Commission fédérale de recours en matière d'asile (aujourd'hui intégrée au Tribunal administratif fédéral, TAF) avait admis que les déserteurs de l'armée d'Erythrée méritaient protection: il était établi que ces réfractaires risquaient la torture et des traitements inhumains.

Cette décision avait irrité le conseiller fédéral Christoph Blocher, alors en charge de l'asile. Il y voyait, non pas la confirmation de la jurisprudence suivie, mais une rupture de nature à ouvrir la porte à une sorte d'admission collective de tous les déserteurs. Il a donc préparé les modifications législatives nécessaires, aujourd'hui assumées par Eveline Widmer-Schlumpf, même si elle parle plutôt de «clarification» juridique.

Le projet prévoit donc que la désertion n'est pas, en soi, un motif d'asile, même s'il y a des risques réels. Le TAF semble d'ailleurs avoir anticipé: en janvier, à propos d'un réfractaire géorgien, il a estimé que sept ans de prison pour désertion ne sauraient être qualifiés de disproportionnés. Mais le Conseil fédéral admet qu'en cas de risque de persécution, il faudra au moins accorder l'admission provisoire. Difficile de s'y retrouver...

Suppression ...

Autre mesure prévue dans la révision: la suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade. Le Conseil fédéral relève que la Suisse est le dernier pays européen à prévoir cette procédure, et qu'elle coûte cher. Il veut aussi éviter que la Suisse soit compétente pour traiter les cas de requérants qui déposeraient ensuite une seconde demande dans un autre pays de la Convention de Dublin.

Pour les opposants à cette mesure, on écarte de la procédure d'asile tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer (femmes avec enfants, jeunes, personnes âgées, malades, démunis). Parmi les autres points de la révision figurent encore les activités à caractère politique que déploient des requérants dans le seul but de rendre impossible leur renvoi. Cet abus du droit d'asile serait frappé d'une sanction pénale.

Cette disposition est critiquée pour sa sévérité, mais aussi du fait qu'elle revient à interdire l'exerce de droits fondamentaux (liberté d'opinion et d'expression) et qu'il serait difficile de prouver qu'elle est utilisée dans «le seul but» d'échapper au renvoi.

Mieux vaut refuser que révoquer

Quant à la révision de la loi sur les étrangers, elle est censée aller à la rencontre de l'initiative «pour le renvoi des étrangers criminels», déposée par l'UDC en février 2008, sans les défauts que le Conseil fédéral y voit. L'initiative exige le renvoi automatique d'étrangers ayant commis des délits allant du meurtre au brigandage, en passant par la perception indue de prestations sociales. Le juge n'aurait plus de marge de manoeuvre.

Comme contre-projet à l'initiative, le Conseil fédéral propose, d'abord, de renforcer les exigences concernant l'intégration des étrangers (notamment la connaissance de la langue): mieux vaut refuser une demande de permis d'établissement à temps que de devoir la révoquer après coup, dit-il en substance.

Et s'il faut révoquer une autorisation, autant uniformiser la pratique des cantons et trouver un critère mesurable. En proposant une liste de délits, l'initiative UDC permettrait de renvoyer des gens pour un petit cambriolage, mais pas pour une fraude portant sur une grosse somme. Le Conseil fédéral préfère le critère d'une peine de prison de deux ans, ou de plusieurs peines totalisant 720 jours.

Si la gauche s'oppose aux deux textes, le Parti libéral-radical entend corriger le contre-projet dans le sens de l'initiative: une liste de délits entraînant l'expulsion est plus claire que la solution de la peine. Mais il faut y ajouter les délits contre l'intégrité sexuelle des femmes et les mariages forcés, et éviter d'aller à l'encontre du droit international, ce qui constitue un handicap de l'initiative. FNU

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