mardi 14 avril 2009

«Comme changer une roue sur un véhicule en marche»

«Comme changer une roue sur un véhicule en marche»

Un requérant érythréen. Si la révision est adoptée, il n'aura plus aucune chance d'obtenir l'asile.
Un requérant érythréen. Si la révision est adoptée, il n'aura plus aucune chance d'obtenir l'asile. (Keystone)

Un peu plus d'un an après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile, le gouvernement suisse veut déjà donner un tour de vis. Plus de 40 organisations s'allient pour critiquer cet «hyper-activisme législatif» et demander un coup d'arrêt dans les réformes.

Les dernières modifications du droit d'asile et des étrangers en Suisse sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008. Sans même attendre l'analyse des premières expériences réalisées avec ces deux lois, le Conseil fédéral (gouvernement) a décidé de lancer la prochaine réforme.

«C'est comme vouloir changer une roue sur une voiture en train de rouler», dénonce Balthasar Glättli, député écologiste. La coalition à laquelle il appartient rejette catégoriquement les deux projets de révision soumis à consultation, «pour des raisons de principe et pour des raisons de droits humains.»

Exclus du statut de réfugié

Parmi les nouveaux durcissements prévus, la Suisse refuserait désormais le statut de réfugié aux étrangers ayant refusé de servir l'armée de leur pays et aux déserteurs. Il s'agit de diminuer «l'attrait de la Suisse comme pays d'asile», explique le Conseil fédéral.

Même menacés dans leur pays, ces personnes n'auront plus droit à l'asile en Suisse, fustige Yves Brutsch, porte-parole des Centres sociaux-protestants (CSP) de Suisse romande. Mais cette mesure est relativisée dans le même article de loi, si bien que personne ne se risque à prévoir comment cette nouvelle clause sera effectivement appliquée.

Yves Brutsch y voit néanmoins un problème fondamental: la clause d'exclusion viole selon lui un droit de base: celui qu'ont les réfugiés de demander l'asile en Suisse lorsqu'ils sont menacés dans leur chair et leur existence en restant dans leur pays.

«Obsédés par les abus»

«Le projet est si mal ficelé qu'il crée des incertitudes ou qu'il ouvre la porte à une pratique encore plus dure», note le spécialiste des questions d'asile.

Si tous les tours de vis précédents visaient à freiner le nombre de demandes d'asile et à lutter contre les abus, cette révision est elle-même un abus. «Elle maltraite le droit d'asile, ajoute Yves Brutsch. Nous sommes contre les abus, et donc contre ce projet.»

Quant à lui, Balthasar Glättli voit dans cette nouvelle révision un changement de cap. «Jusqu'ici, on a continuellement durci le droit d'asile en rendant les procédures plus difficiles pour les requérants. Avec cette nouvelle révision, on soustrait du droit des personnes qui, selon le droit actuel, tombent sous la protection de la loi.»

Populisme

En soumettant dans le même temps un durcissement de la loi sur les étrangers, le Conseil fédéral montre qu'il manque singulièrement de force de caractère, estime Marc Spescha, membre des Juristes Démocrates de Suisse (JDS).

«L'Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) donne le ton avec une initiative populaire visant à expulser les étrangers criminels et le gouvernement se met à genou devant le populisme en proposant de modifier la législation», dénonce le juriste.

La révision est en effet présentée comme un contre-projet indirect à l'initiative de l'UDC. Le Conseil fédéral propose d'expulser automatiquement les étrangers condamnés à plus de deux ans de prison, avec ou sans sursis. «Cet automatisme réduit à néant l'analyse de la proportionnalité de la peine, un élément central de la jurisprudence suisse», ajoute Marc Spescha.

Pour les opposants, il y a trois choses à faire: «Interrompre l'exercice, réunir les faits et les expériences, écouter les critiques». Et ainsi, «de tels inepties ne verraient pas le jour», conclut Marc Spescha

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