mardi 10 mars 2009

SAUVEUR DE TÊTE(S)

SAUVEUR DE TÊTE(S) dans le nouvelliste

7 mars 2009  -  Aucun commentaire

PIERRE KELLER directeur ECAL, professeur EPFL

Aéroport de Kloten, 5 h 55. Alors qu'il fait encore nuit, un homme distribue des messages de sensibilisation aux passagers d'un vol pour Stockholm. Il s'agit de Fernand Melgar, metteur en scène du documentaire «La Forteresse», qui narre le destin de requérants regroupés au centre d'enregistrement de Vallorbe (VD) en attendant que la Confédération décide de leur sort. Un sort scellé depuis pour Fahad Khammas, «héros malgré lui» de ce film, qui devait être expulsé lundi dernier.

Ne connaissant pas assez bien le dossier, je ne me prononcerai pas sur les motifs ni sur la procédure d'expulsion de ce ressortissant irakien. Mais ce qui m'a profondément touché, c'est la générosité d'une personnalité comme Fernand Melgar, qui n'a pas hésité à monter au front pour défendre et peut-être sauver la peau de l'un des protagonistes de son long métrage. Une fidélité et une amitié qui ne se limitent pas à l'instant où le moteur de la caméra tourne, mais qui perdurent bien au-delà. Ce qui n'est pas toujours le cas dans le milieu du cinéma.

Le réalisateur lausannois s'est donc rendu dans le froid zurichois pour faire pression afin que Fahad Khammas soit (re)débarqué de l'avion sur sol helvétique au lieu d'être renvoyé vers la Suède. En effet, les autorités de la patrie d'Ingmar Bergman et d'Alfred Nobel auraient sans doute transféré l'ancien interprète vers Bagdad où il aurait risqué sa vie, menacé par les Islamistes, pour avoir collaboré avec les troupes américaines. A l'heure actuelle, le renvoi de Fahad Khammas est provisoirement suspendu, le temps d'examiner un recours reposant désormais entre les mains des juges.

A ce titre, je tenais à louer l'implication de Fernand Melgar, qui a toujours manifesté une empathie d'une rare qualité et une ouverture sur le monde sans égale. Son précédent film «Exit: le droit de mourir» évoquait déjà avec une sensibilité hors du commun la problématique de l'assistance au suicide pour les personnes en fin de vie.

Récompensé en 2006 lors des Prix du Cinéma suisse, il pourrait ce samedi à Lucerne repartir une nouvelle fois avec le Quartz du meilleur documentaire.

Mais quoi qu'il arrive, je lui décerne d'ores et déjà la palme de l'humanité!

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