Lire l'édito de Michel Schwery dans le Courrier
On reparlera de la libre circulation des personnes dans les quinze prochains mois. Aujourd'hui même, le délai de consultation échoit sur les deux propositions de confirmer la validité de l'accord Suisse/Union européenne au-delà du 31 mai 2009 et d'en étendre l'application par paliers à la Roumanie et à la Bulgarie. Ces deux objets constituent un seul sujet, duquel le Conseil fédéral ne pense que du bien. Il tire en effet un bilan positif pour l'économie du pays des six premières années d'ouverture des frontières et s'engage donc pour la reconduction de la libre circulation. Le parlement fédéral en débattra en juin. Sa décision sera ensuite sujette à référendum. Celui-ci étant d'ores et déjà programmé du côté des forces populistes et nationalistes, la date du 17 mai 2009 est déjà retenue pour ce scrutin.
Cet accord de libre circulation des personnes touche à deux facettes de la politique économique suisse. Il fait d'abord partie de la politique migratoire. Les frontières sont ouvertes aux travailleurs ou rentiers financièrement autonomes de l'Union européenne, soit un marché de 500 millions d'individus dans moins de 30 pays. A côté, la loi sur les étrangers s'applique aux six autres milliards d'êtres humains de la planète. Les ressortissants des pays extra-communautaires peuvent émigrer en Suisse selon leurs degrés d'utilité à l'économie du pays. Enfin, la loi sur l'asile filtre étroitement les plus pauvres parmi les pauvres et les persécutés. Sur cette toile de fond, le modèle d'avenir pour bâtir un monde égalitaire est pourtant la non-discrimination, principe de base de l'accord de libre circulation. Dans ce sens, son extension à tous trace le chemin à suivre.
En second lieu, cette dernière a aussi des répercussions sur le marché du travail intérieur. En étendant le bassin de recrutement des entreprises à l'Europe, voire au monde, elle renforce la concurrence entre les travailleurs, fragilisant leur position sociale. Mais c'est bien plutôt la libre circulation des capitaux qui entretient la concurrence de tous contre tous. L'argent va en effet prioritairement où les coûts de production sont minimaux et le rendement maximal. La baisse des salaires par le jeu de la concurrence est ainsi un processus du capitalisme toujours à l'oeuvre et ne provient pas des migrations des travailleurs.
Contre cette tendance de fond, les mesures d'accompagnement de la libre circulation sont, il est vrai, bien peu contraignantes. Les contrats collectifs couvrent un tiers de la population active, les contrats-type de travail sont quasi inexistants et les contrôles étatiques des entreprises seulement sporadiques. Cette faiblesse favorise le refus de la libre circulation par des salariés. Mais seuls les travailleurs eux-mêmes et les militants issus du sérail sont suffisamment présents pour contrôler partout leurs propres conditions de travail. Les syndicats se doivent de les épauler dans ce combat quotidien, pour accroître leurs droits. Cette tâche est toujours nécessaire, avec ou sans libre circulation. A l'inverse, son éventuel abandon, comme le menacent certains syndicats, n'allégera pas la pression concurrentielle pesant sur les épaules des salariés. Se tromper de combat ne facilitera pas la résistance à la déréglementation.
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