lundi 15 septembre 2008

La politique migratoire de l'UE au banc des accusés à Madrid


Compte rendu - La politique migratoire de l'UE au banc des accusés à Madrid

LE MONDE | 15.09.08 | 14h09 • Mis à jour le 15.09.08 | 14h09
MADRID CORRESPONDANT

La "directive de la honte" a été la cible principale du 3e Forum social mondial des migrations (FSMM) qui s'est conclu, dimanche 14 septembre à Madrid, par une manifestation "pour un monde sans murs", rassemblant près de 5 000 personnes dans le centre de la capitale espagnole.

La directive récemment adoptée par l'Union européenne (UE) sur le retour des étrangers en situation irrégulière allonge à dix-huit mois la durée possible de rétention et interdit aux expulsés de revenir en Europe avant cinq ans. Elle constitue "une escalade dans la criminalisation des migrants", a estimé le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits des migrants, le Mexicain Jorge Bustamante, en ouverture des trois jours de débats qui ont réuni plus de 2 000 délégués de 90 pays, à Rivas Vaciamadrid, dans la banlieue madrilène.

Aux yeux des participants à ces rencontres, qui sont une émanation du Forum social mondial lancé en 2001 à Porto Alegre (Brésil), la norme dite "retour" est un mur, au même titre que celui que les Etats-Unis érigent physiquement à la frontière mexicaine.

"Faire des immigrants les boucs émissaires de la crise économique est typique d'une mentalité raciste qui les considère indésirables mais nécessaires et qui préfère qu'ils soient vulnérables pour mieux les exploiter", a proclamé le Brésilien Luiz Baseggio, porte-parole du comité international du FSMM.

Exhortant l'Europe à "retrouver sa vocation à travailler à une intégration mondiale", la motion finale du Forum réclame le retrait de la directive, ainsi que la ratification par les pays européens de la Convention de l'ONU sur les droits des migrants. Ce texte a été adopté en 1990, mais aucun Etat de l'UE ne l'a encore signé. Parmi les revendications de la "déclaration de Rivas" figure aussi "la mise en place d'un mandat ou d'un instrument spécial au sein de l'ONU pour remplir les vides existants dans la protection des migrants".

L'Espagne, naguère citée en exemple pour sa politique libérale en matière d'immigration, a été particulièrement critiquée pour avoir avalisé la directive retour et adhéré au dispositif de surveillance des frontières Frontex. Mais aussi à cause de la volonté récemment exprimée par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero de réduire le contingent des contrats de travail dans les pays d'origine en raison de la crise économique.

Selon les responsables du Forum, la crise actuelle n'est pas l'unique responsable des restrictions des politiques migratoires des pays riches. "La directive retour n'est pas une mesure circonstancielle, s'est exclamé l'évêque brésilien Demetrio Valentini. Cette initiative révèle que nous sommes face à une crise de civilisation qui affecte l'humanité tout entière." Pour le sociologue belge François Houtart, de l'université catholique de Louvain, 150 à 200 millions d'êtres humains seront déplacés lors des quatre prochaines décennies à cause des dérèglements climatiques et environnementaux.

Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l'édition du 16.09.08

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