lundi 8 septembre 2008

« La fermeture de Sangatte n’a rien réglé »

L'HUMANITE
Article paru le 5 septembre 2008
http://www.humanite.fr/2008-09-05_Societe_-La-fermeture-de-Sangatte-n-a-rien-regle

« La fermeture de Sangatte n'a rien réglé »

Co auteure du rapport du CFDA sur « la situation des exilés » à Calais, Karen Akoka fustige l'attitude de l'État.

Pourquoi cette enquête sur les migrants ?

Karen Akoka. Elle est née d'une volonté de plusieurs organisations qui composent la Coordination française pour le droit d'asile de rétablir la vérité sur la situation de ces exilés. En 2002, quand Nicolas Sarkozy a fermé le camp de Sangatte, il a dit : « J'ai réglé le problème… » Or, la fermeture de ce camp et la multiplication des contrôles n'ont fait que rendre invisible un problème qui persiste bel et bien. Les exilés sont désormais éparpillés sur tout le littoral, dans les villes, mais aussi sur les aires d'autoroutes ou dans des espaces en marge, là où l'État souhaite les maintenir. Cela mobilise des forces de police importantes (pas moins de 500 fonctionnaires), un centre de rétention a même été ouvert sur place ; quant à la sécurisation du port de Calais, elle coûte plus de 12 millions d'euros par an. Une panoplie de moyens qui n'a qu'un seul objet : la répression.

En revanche, les droits des exilés sont, eux, régulièrement bafoués…

Karen Akoka. En effet. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de papiers qu'ils n'ont pas de droits : hébergement d'urgence, accès aux soins, demande d'asile et prise en charge des mineurs font théoriquement partie de ces droits fondamentaux. Or, notre enquête sur le terrain montre que ces quatre droits sont bafoués quotidiennement.

Vous pointez aussi les effets pervers du règlement dit « de Dublin ». De quoi s'agit-il ?

Karen Akoka. Ce texte prévoit que les migrants ne peuvent demander l'asile que dans un seul État européen, et pas dans celui de leur choix, mais dans celui par lequel ils sont arrivés en Europe, aux frontières sud et est de l'Union. Donc dans des pays qui n'ont pas forcément des infrastructures suffisantes, ni une réelle tradition d'accueil. Et même dans les pays qui ont cette tradition, comme la Grèce par exemple, le taux de reconnaissance du statut de réfugié est très faible, 0,04 % en Grèce (contre environ 20 % en France). Les migrants poursuivent donc leur route jusqu'à Calais, avec pour objectif l'Angleterre.

Pourquoi cet « eldorado anglais » ?

Karen Akoka. Il y a plusieurs raisons, parfois assez complexes. Certains y ont déjà de la famille sur place et parlent anglais. Ces migrants, en effet, ne sont pas les plus pauvres des pauvres : ils sont souvent issus des classes moyennes, espèrent pouvoir continuer des études… L'Angleterre a aussi la réputation d'avoir une procédure d'asile plus simple - ce qui n'est plus vraiment le cas aujourd'hui. Les migrants pensent aussi pouvoir y trouver plus facilement du travail au noir. Beaucoup, enfin, ne choisissent pas l'Angleterre en tant que telle : c'est juste leur dernière chance, la fin d'un périple au cours duquel ils n'ont pas trouvé, auparavant, la protection, le refuge nécessaire pour reconstruire leur vie.

Quelles sont les principales recommandations de votre rapport ?

Karen Akoka. La première, c'est la révision du règlement de Dublin. Les exilés doivent pouvoir choisir le pays dans lequel ils souhaitent déposer leur demande d'asile. La procédure doit également être améliorée, et les droits élémentaires (hébergement, soins…) des migrants doivent être respectés. Un effort particulier doit aussi être fait pour les mineurs, les dispositifs les concernant étant totalement saturés. Enfin, le harcèlement policier, qui n'a pour but que de les user, doit cesser.

Entretien réalisé par Alexandre Fache

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