jeudi 29 mai 2008

Ricardo Lumengo, un Biennois bien ordinaire


article d'ALAIN WALTHER
Q
u’est-ce qu’ils lui trouvent tous? A l’automne dernier, médias japonais, africain, espagnol, britannique, français, américain, ont fait le déplacement à ­Bienne. Pourquoi ce battage international autour de l’élection d’un conseiller national socialiste?
L’heureux é­lu est entré en politique il y a un quart de siècle en Angola, il est aujourd’hui le premier conseiller national d’origine africaine.­Je suis Biennois, donc Bernois, donc Suisse. Ce sont toujours les autres qui me rappellent la couleur de ma peau. Moi-même, je compte la faire oublier. Lors de la célébration du 1er Mai dernier à Langenthal (BE), des racistes anonymes lui ont rappelé encore une fois que sa peau avait un taux costaud de mélanine. Après son discours, Ricardo Lumengo a essuyé un jet de bananes.­Des bananes aujourd’hui, a-t-il déclaré à­ chaud au
Blick, mais qu’est-ce que cela sera demain?­Une insulte,­a fait mal. Teinte de racisme, encore plus mal.Déja aggressé par un skin dans la rue, honni par le Parti suisse de la liberté, le politicien ne changera rien­ à son comportement. Ricardo Lumengo n’a qu’un credo: lutter contre les injustices sociales en tous genres. Alors, demander à ­ce partisan d’une Suisse multiculturelle ce qu’il pense de l’initiative UDC sur les naturalisations serait s’exposer à ­une lapalissade.
Va pour la notorité si elle permet de transmettre ses idées. Et rester un Biennois bien ordinaire. Celui qui va danser à ­l’Eden pour la musique africaine, au Coco pour les rythmes latinos. Dansant toujours lorsqu’il
va au culte­ à l’église africaine de Bienne.L’endroit est très oecuménique, j’aime y chanter.Le conseiller national, parfois guindé dans un costume haut boutonné pour cause de rendez-vous avec des diplomates ­ Berne, se veut ­flexible dans l’habillement. Veste de cuir, jeans, T-shirt, les Biennois le reconnaissent de toute façon et rappellent l’élu­ leur bon souvenir. Ricardo Lumengo est conseiller juridique chez Multimondo (centre d’intégration et d’échange pour la population indigène et allogène). Alors, en flânant, il écoute. Femmes battues, litiges au travail, requérants déboutés… Voilà son quotidien. Avec une mère catholique pratiquante et un père instituteur et membre de l’Armée du Salut, on prend soin des autres chez les Lumengo. ­Mon père, je m’inspire de lui, j’ai suivi son exemple.Le paternel, Miguel Lumengo, a fait quatre ans de prison en Angola. Militant du Front national de libération de l’Angola (FNLA), c’est le même Front qui l’a emprisonné, le jugeant trop libéral. Le fils a entamé des é­tudes de chimie puis, à ­20 ans, sentant un mauvais vent se lever, il s’enfuit. Après trois jours à ­Lisbonne, il a peur des espions du pouvoir angolais, il opte pour la Suisse, discrète et alors hospitalière. Aujourd’hui le conseiller national Lumengo ne donnerait que peu de chances d’intégration au requérant Ricardo compte tenu des nouvelles lois sur l’asile.
­J’ai toujours é­té au bon endroit au meilleur moment.Quand l’adversité frappe, Ricardo Lumengo rebondit et en profite pour apprendre huit langues. Ses parents sont exilés au Zaïre, il apprend le lingala et le français. Pour l’anglais, des réfugiés sud-africains lui mettent le pied à ­l’étrier. La présence des instructeurs cubains
à Luanda lui ouvre la voie de l’espagnol. Cela tombe bien, au foyer pour requérants d’asile de Fribourg, ses copains sont Argentins et Chiliens.
En ce temps-là, regrette le conseiller national, les requérants avaient le droit de travailler. Comme il n’tait ­pas trop bon comme manoeuvre sur les chantiers, tout en faisant ses ­études de droit, il travailla comme plongeur dans un restaurant d’Ulmiz (FR) et chez Micarna. L’homme politique n’a pas perdu de vue les copains de ce temps-là. Même s’ils sont restés­ à l’usine.Au foyer, on a passé tellement d’heures ensemble devant la télévision, se souvient celui qui est devenu un notable.
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SéDENTAIRE

Pendant ses années fribourgeoises, le parlementaire est resté dans le même quartier. Quant ­à Bienne, sa ville depuis treize ans, il n’envisage plus de la quitter et vit toujours dans le même appartement.








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