mardi 13 mai 2008

Naturalisations par le peuple: vos réactions

En connaissance de cause!
Avec l’initiative de l’UDC, le problème est de savoir si le citoyen est le plus à même de prendre une décision de naturalisation. La réponse est clairement non: pour prendre une décision de ce type, il est nécessaire de s’informer sur les candidats. Ces informations sont privées et les révéler à l’ensemble des citoyens est une infraction à la protection de la vie privée. En outre, il n’est matériellement pas possible que chaque candidat soit entendu par toute la population. Sans entretien, qui ose parler d’une étude sérieuse d’un dossier de ce type? Si le citoyen devait se prononcer sur une demande de naturalisation, il ne pourrait le faire qu’en méconnaissance de cause et cela reviendrait à mettre en place le règne de l’arbitraire et de la discrimination dans l’attribution du passeport suisse. C’est inacceptable dans notre Etat de droit.
A l’inverse, le système actuel, dans lequel un comité restreint d’élus du peuple se prononce sur des demandes de naturalisation, évite les problèmes précités. En effet, ce groupe de personnes est habilité à obtenir l’ensemble des renseignements nécessaires pour se prononcer sur une candidature.
La naturalisation par les urnes doit donc être fermement refusée car elle mettra en place le règne de l’arbitraire et de la discrimination dans le domaine des naturalisations.
Raphaël Thélin, Lausanne
Nous sommes tous des étrangers naturalisés
Dans sa propagande, l’UDC redoute que «les étrangers naturalisés décident dans l’urne de l’avenir de la Suisse» (dixit). Pendant huit ans d’activité de député au Grand Conseil, j’ai pu décider (avec d’autres) de l’avenir du canton de Vaud. Autrichien d’origine, je suis devenu Suisse, par ma mère bernoise, à l’âge de 10 ans. Un certain Pascal Broulis, autre étranger naturalisé, est même président du Conseil d’Etat. Qui s’en plaindrait? Les exemples sont légion.
Pour reprendre un slogan de Mai 68: «Nous sommes tous des étrangers naturalisés!» Si ce n’est notre génération, c’est celle de nos pères. Un certain Christoph Blocher avait un grand-père allemand…
Où et quand vont s’arrêter la bêtise et la xénophobie de l’UDC? Quand il ne restera des 6 millions actuels de Suisses dans ce pays que 6000 authentiques Uranais, Schwytzois et Unterwaldiens pouvant certifier leur descendance directe depuis 1291?
Xavier Koeb, Maracon
globe
Une boîte de Pandore
A propos de la réflexion de M. Guy Parmelin intitulée «Plus qu’un acte administratif» ( 24 heures du 24 avril 2008):
Pour donner suite à la réflexion de M. Parmelin, il convient de rappeler certains principes de notre système de la démocratie directe. Lorsque les citoyens d’une commune votent sur des demandes de naturalisation, ils agissent en tant qu’organe de la commune, au même titre que la Municipalité ou le Conseil communal, et accomplissent de cette manière une tâche de l’Etat. Dans ce cas, ils doivent respecter les droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale, en particulier l’interdiction de la discrimination, l’interdiction de l’arbitraire et l’obligation qui en découle de rendre une décision motivée.
Dans sa jurisprudence relative à la commune d’Emmen (ATF 129 I 217), le Tribunal fédéral n’a fait que rappeler l’existence de ces droits fondamentaux qui ressortent du texte même de la Constitution. Il a aussi constaté que le scrutin populaire ne permettait pas de respecter ces droits de façon satisfaisante. A l’inverse, ceux-ci sont respectés par une commission communale. En effet, une commission procède à l’investigation nécessaire pour déterminer si le candidat remplit les conditions à la naturalisation. Elle peut ainsi motiver objectivement sa décision sur la base de ses conclusions. La légitimité démocratique est également respectée si la commission est composée d’élus.
Pour ces motifs, cette initiative populaire constitue une boîte de Pandore, puisqu’elle remet en question les droits fondamentaux de la Constitution, desquels notre démocratie directe tire toute sa légitimité. L’initiative appelle donc un non ferme.
Stéphane Zenger, Villeneuve
L’autre visage de l’UDC
L’UDC vaudoise présente un double visage. M. Guy Parmelin incarne la version soft. Dans un article au ton patelin, mesuré et politically correct (24 heures du 24 avril), il défend l’initiative pour des naturalisations soi-disant «démocratiques». C’est son droit et on peut en discuter, arguments en main. Mais en même temps – bénéficiant d’un budget colossal dont on aimerait bien connaître l’origine (600?000 francs selon ses propres dires) – l’UDC matraque l’opinion publique par d’innombrables affiches géantes et encarts publicitaires dans la presse. Or ceux-ci comme celles-là, qui recourent au graphisme des années 30 qu’affectionne le parti de Blocher, sont tout simplement immondes de racisme et de xénophobie. Mains – basanées et noires, comme par hasard – se jetant avec avidité sur des passeports suisses, texte indécent associant les étrangers aux «criminels» et aux «profiteurs des assurances sociales»! Cela, c’est l’autre visage de l’UDC, celui qui rapporte des voix.
Jusqu’à quand le bon M. Parmelin et ses amis «modérés» se rendront-ils complices (sans l’approuver ni le désavouer, à la vaudoise…) de ce discours politique fascisant? Peut-être le psychodrame autour de Mme Widmer-Schlumpf finira-t-il par les réveiller? Et par réveiller les autres partis, dont le silence assourdissant face à cet affichage est inquiétant.
Pierre Jeanneret, Grandvaux
Souverain ou pas?
Je souhaite partager ma perplexité avec les lecteurs de 24 heures . Tous les partis, et ceux de gauche en particulier, nous chantent sur tous les tons et à chaque consultation que le peuple est souverain et que c’est la base de notre démocratie. Dans le référendum à venir, les communes seraient libres de décider quelle serait l’instance habilitée à se prononcer sur les candidats à la naturalisation. Si d’aventure c’est le peuple qui est désigné pour cette tâche, cela hérisse la gauche en général, qui crie à l’arbitraire; le peuple, dans ce cas-là, ne serait donc plus souverain!
J’y vois une vraie contradiction, soit le peuple l’est en général, soit il ne l’est pas. Quant à la crainte que le peuple puisse prendre des décisions arbitraires, et alors? Aussi désagréable que cela puisse être, ça procède d’un exercice parfaitement démocratique, ça n’implique pas que celui-ci soit aussi vertueux que certains le souhaiteraient. Cela signifie surtout que l’on n’a pas fait ce qu’il fallait pour rendre le processus crédible, surtout par cause de laxisme dans l’évaluation par manque d’exigence au niveau de l’intégration jusqu’à ce jour.
Pour conclure, il me semble que les étrangers qui travaillent, parlent la langue et résident depuis douze ans sans casier chez nous devraient sans autre obtenir leur passeport. Nous avons besoin d’eux et c’est un enrichissement pour notre société. Je voterai donc oui au référendum parce que je souhaite que le souverain le reste, n’en déplaise à certains!
Jean-Daniel Jordan, Lausanne
Courrier des lecteurs de 24 Heures

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