jeudi 6 mars 2008

Limiter le droit aux soins des personnes dont la demande d'asile a été rejetée est illégal


SANTE. Limiter le droit aux soins des personnes dont la demande d'asile a été rejetée est illégal, dénonce l'ancien chancelier François Couchepin avec plusieurs ONG.
C'est Françoise Kopf, l'animatrice d'IGA-SOS Racisme à Soleure, qui a levé le lièvre. Désireuse de conférer toute la précision nécessaire à un article qu'elle écrivait pour une revue étrangère, elle a cherché la base légale permettant de limiter le droit aux soins des requérants déboutés.
Elle ne l'a pas trouvée. Ni la loi sur l'assurance maladie (LAMal), ni celle sur l'asile (LASI) ne la prévoient. La seconde énumère pourtant en détail les limitations en matière d'assurance maladie auxquelles sont soumis les requérants d'asile en cours de procédure. Les cantons comme Zurich et Soleure qui ont édicté des dispositions restreignant l'ensemble des requérants déboutés aux seuls soins indispensables excluent ces derniers de l'assurance maladie, par analogie avec les dispositions les
privant de l'aide sociale. C'est aussi illégal, assure l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin. La LAMal est claire: toute personne domiciliée en Suisse est soumise à l'obligation de s'assurer. La LAMal renvoie expressément au Code civil qui pratique une conception large du domicile: en l'absence d'adresse enregistrée, c'est le lieu où réside effectivement une personne, par exemple un étranger qui a quitté son domicile à l'étranger sans en avoir formellement choisi un en Suisse.
Directives contraires
Il n'est pas le seul à le dire: en 2002, l'Office fédéral des assurances sociales a rappelé à l'ordre les caisses qui refusaient d'assurer les sans-papiers sur la base de cette même interprétation. La Conférence des directeurs des affaires sociales
(CDAS) recommande l'assurance pour les personnes dont le séjour en Suisse dure plus de trois mois. A la différence des personnes frappées d'une décision de non- entrée en matière (NEM), les requérants déboutés, également exclus de l'aide sociale depuis le début 2008, ont souvent des années de séjour derrière eux - et une assurance maladie.
Dans leur cas, la CDAS déconseille la désaffiliation. Mais les cantons ne sont pas obligés de suivre. Chacun y va de sa solution: radicale, comme à Zurich et à Soleure, ou intermédiaire, comme à Fribourg et dans le canton de Vaud. Ces derniers maintiennent l'assurance des personnes fragiles, malades et des familles avec enfants qui sont par ailleurs
souvent autorisées à rester dans leur lieu de résidence antérieur.
Les célibataires exclus des centres d'hébergement ne résident pas régulièrement dans les structures d'accueil d'urgence mises à leur disposition, relève Pierre Imhof, directeur de l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants. Plus qu'une assurance, le canton s'efforce, dans leur cas, d'offrir un accès aux soins - tous les soins - dans les policliniques.
Genève, pour le moment, a maintenu l'assurance maladie des requérants déboutés: «Cela nous a semblé la solution juridiquement et humainement juste», commente la directrice de l'Action sociale, Anja Wyden.
Monitoring à l'automne L'Office des migrations précise de son côté que l'application des nouvelles dispositions fait l'objet d'un monitoring dont les conclusions seront rendues publiques à l'automne.
En attendant, pour Françoise Kopp, ce flou illustre les dangers de l'arbitraire qu'elle dénonce. Un arbitraire, renchérit François Couchepin, qui s'exerce dans un domaine où peuvent se jouer des questions de vie et de mort. Et qui contribue,
analyse Karl Grünberg, secrétaire général d'ACOR SOS Racisme, à installer le climat qui permettra demain la restriction de nouveaux droits.

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