Dans un long entretien accordé à Valentine Zubler, Pierre Ruetschi et Thierry Meyer, le Conseiller fédéral s'explique sur les remous de la campagne en cours. Extraits.
– Un ministre de la Justice peut-il critiquer une loi suisse à l’étranger, comme vous l’avez fait avec la norme antiraciste en Turquie?– Oui. Cela étant, j’ai aussi critiqué cette loi ici, et personne ne s’en est offusqué. Lors de mon voyage en Turquie, je ne pouvais pas prétendre devant les autorités turques que les gens ayant un avis contraire au leur ne devaient pas être envoyés en prison pour cette raison, comme c’était le cas dans leur pays lors de ma visite. Dans le même sens, je ne pouvais pas cacher que nous avions nous aussi des limites concernant la liberté d’expression. Je suis d’ailleurs en train d’élaborer une proposition qui améliore la situation.
– Cette loi a été votée par le peuple. Le peuple n’a donc pas toujours raison?– Le peuple n’a pas toujours raison, mais ce qu’il décide doit être exécuté. En revanche, chacun doit pouvoir mettre en discussion les normes légales
– Si vous devenez président de la Confédération dans deux ans, allez-vous poursuivre à l’étranger de telles attaques? On attend d’un président qu’il parle pour tous les Suisses.
– Un président représente le gouvernement et strictement sa ligne politique.
– Etes-vous favorable à l’élection du Conseil fédéral directement par le peuple?
– Oui.
– En l’occurrence, c’est ce qui se passe, puisque l’on demande aux candidats s’ils vont voter pour vous ou non…
– A cause de mes opposants. Mon parti n’aurait pas insisté sur ce point. Je suis le fruit de mes adversaires. Désolé. Je fais mon travail, je compte trente ans de carrière politique derrière moi et j’ai marqué mon parti, lequel m’a d’ailleurs dit: «Il y a tellement de gens derrière toi, ils doivent savoir que si l’UDC perd les élections, il y a un risque pour toi.»
– Et si vous n’êtes pas réélu?
– Je n’ai pas peur. Je me prépare aux deux cas de figure. Si je ne suis pas réélu, je retourne dans l’opposition.
– Un tel climat de haine durant une campagne était inconnu jusqu’à aujourd’hui. Engendré, notamment, par cette affiche avec des moutons blancs qui chassent un mouton noir. Difficile de croire que vous ne vous y attendiez pas.
– Vous trouvez ça si mauvais? Les moutons noirs, c’est une expression qui existe dans toutes les langues. Le proverbe veut d’ailleurs que dans chaque famille, chaque classe d’école, il y ait un mouton noir. Et la provocation, c’est important, ça permet de faire avancer les choses. Le mot vient du latin provocare , qui veut dire soulever le débat.
– Mais le double sens est évident. Et l’affiche montrant des postérieurs de musulmans en train de prier, et leur demandant d’utiliser leur tête?
– Non, les moutons noirs, ce sont seulement les étrangers criminels. Les autres, qui vivent ici légalement, peuvent rester en Suisse. Le mot «noir» n’a rien à voir avec les Africains. On parle de travail au noir, de liste noire… L’autre affiche, je ne l’aurais pas faite, même si je ne la trouve pas aussi incroyablement méchante. C’est finalement assez amusant.
– Les réactions sont très vives. Micheline Calmy-Rey se dit dégoûtée par cette campagne, Pascal Couchepin évoque le fascisme des années 30 et vous compare à Mussolini. Vous attendiez-vous à tout cela?
– Croyez-vous que les affiches du Parti socialiste me plaisent? Simplement, je ne dis rien. Pascal Couchepin parle de fascisme? Bon, c’est aussi du calcul. D’une part, je ne sais pas ce qu’il voulait dire, et d’autre part, il n’a pas dit qui, précisément, lui faisait penser à Mussolini. Moi je ne le ferais pas. Je ne sais pas pourquoi les réactions sont si sensibles, ce sont des discussions de campagne électorales.
– Votre popularité en Suisse romande a baissé.
– Je n’ai jamais été l’ami de la Romandie, notamment en raison de l’Europe. Cela dit, quand je me suis rendu au Comptoir Suisse à Lausanne, beaucoup de gens m’ont félicité et m’ont dit qu’ils me trouvaient courageux. Dans cette salle, il y avait cinq orateurs qui ont exprimé leur opinion, ont évoqué la démocratie et le droit international, sans faire la guerre. La presse n’a parlé que des casseurs. Mon discours économique a reçu un accueil favorable, j’ai été applaudi, notamment par les nombreux entrepreneurs présents. D’ailleurs, un chef d’entreprise très connu m’a dit: «J’ai honte pour la Suisse romande.» Je le remercie. Il m’a dit n’avoir jamais voté UDC, mais qu’il allait le faire cet automne. Cette solidarité, c’est le résultat de mes opposants.
Les moutons noirs, c’est une expression qui existe
dans toutes les langues. Et la provocation
c’est important, ça permet de faire avancer les choses.»
(Olivier Vogelsang)
(...)dans toutes les langues. Et la provocation
c’est important, ça permet de faire avancer les choses.»
(Olivier Vogelsang)
– Un ministre de la Justice peut-il critiquer une loi suisse à l’étranger, comme vous l’avez fait avec la norme antiraciste en Turquie?– Oui. Cela étant, j’ai aussi critiqué cette loi ici, et personne ne s’en est offusqué. Lors de mon voyage en Turquie, je ne pouvais pas prétendre devant les autorités turques que les gens ayant un avis contraire au leur ne devaient pas être envoyés en prison pour cette raison, comme c’était le cas dans leur pays lors de ma visite. Dans le même sens, je ne pouvais pas cacher que nous avions nous aussi des limites concernant la liberté d’expression. Je suis d’ailleurs en train d’élaborer une proposition qui améliore la situation.
– Cette loi a été votée par le peuple. Le peuple n’a donc pas toujours raison?– Le peuple n’a pas toujours raison, mais ce qu’il décide doit être exécuté. En revanche, chacun doit pouvoir mettre en discussion les normes légales
– Si vous devenez président de la Confédération dans deux ans, allez-vous poursuivre à l’étranger de telles attaques? On attend d’un président qu’il parle pour tous les Suisses.
– Un président représente le gouvernement et strictement sa ligne politique.
– Etes-vous favorable à l’élection du Conseil fédéral directement par le peuple?
– Oui.
– En l’occurrence, c’est ce qui se passe, puisque l’on demande aux candidats s’ils vont voter pour vous ou non…
– A cause de mes opposants. Mon parti n’aurait pas insisté sur ce point. Je suis le fruit de mes adversaires. Désolé. Je fais mon travail, je compte trente ans de carrière politique derrière moi et j’ai marqué mon parti, lequel m’a d’ailleurs dit: «Il y a tellement de gens derrière toi, ils doivent savoir que si l’UDC perd les élections, il y a un risque pour toi.»
– Et si vous n’êtes pas réélu?
– Je n’ai pas peur. Je me prépare aux deux cas de figure. Si je ne suis pas réélu, je retourne dans l’opposition.
– Un tel climat de haine durant une campagne était inconnu jusqu’à aujourd’hui. Engendré, notamment, par cette affiche avec des moutons blancs qui chassent un mouton noir. Difficile de croire que vous ne vous y attendiez pas.
– Vous trouvez ça si mauvais? Les moutons noirs, c’est une expression qui existe dans toutes les langues. Le proverbe veut d’ailleurs que dans chaque famille, chaque classe d’école, il y ait un mouton noir. Et la provocation, c’est important, ça permet de faire avancer les choses. Le mot vient du latin provocare , qui veut dire soulever le débat.
– Mais le double sens est évident. Et l’affiche montrant des postérieurs de musulmans en train de prier, et leur demandant d’utiliser leur tête?
– Non, les moutons noirs, ce sont seulement les étrangers criminels. Les autres, qui vivent ici légalement, peuvent rester en Suisse. Le mot «noir» n’a rien à voir avec les Africains. On parle de travail au noir, de liste noire… L’autre affiche, je ne l’aurais pas faite, même si je ne la trouve pas aussi incroyablement méchante. C’est finalement assez amusant.
– Les réactions sont très vives. Micheline Calmy-Rey se dit dégoûtée par cette campagne, Pascal Couchepin évoque le fascisme des années 30 et vous compare à Mussolini. Vous attendiez-vous à tout cela?
– Croyez-vous que les affiches du Parti socialiste me plaisent? Simplement, je ne dis rien. Pascal Couchepin parle de fascisme? Bon, c’est aussi du calcul. D’une part, je ne sais pas ce qu’il voulait dire, et d’autre part, il n’a pas dit qui, précisément, lui faisait penser à Mussolini. Moi je ne le ferais pas. Je ne sais pas pourquoi les réactions sont si sensibles, ce sont des discussions de campagne électorales.
– Votre popularité en Suisse romande a baissé.
– Je n’ai jamais été l’ami de la Romandie, notamment en raison de l’Europe. Cela dit, quand je me suis rendu au Comptoir Suisse à Lausanne, beaucoup de gens m’ont félicité et m’ont dit qu’ils me trouvaient courageux. Dans cette salle, il y avait cinq orateurs qui ont exprimé leur opinion, ont évoqué la démocratie et le droit international, sans faire la guerre. La presse n’a parlé que des casseurs. Mon discours économique a reçu un accueil favorable, j’ai été applaudi, notamment par les nombreux entrepreneurs présents. D’ailleurs, un chef d’entreprise très connu m’a dit: «J’ai honte pour la Suisse romande.» Je le remercie. Il m’a dit n’avoir jamais voté UDC, mais qu’il allait le faire cet automne. Cette solidarité, c’est le résultat de mes opposants.
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