Fatmir Nebija a retrouvé un peu du sourire
perdu il y a dix mois, lors de son expulsion.
Il faudra malgré tout beaucoup de temps
à la famille pour retrouver une vie normale.
(JOANA ABRIEL, YVERDON, LE 19 SEPTEMBRE 2007)
Attablé au buffet de la gare d'Yverdon, Fatmir Nebija respire profondément l'air frais de fin d'été, qui contraste avec la fournaise qui écrase encore les Balkans à cette époque de l'année. Le sourire, qu'il avait définitivement perdu au moment de franchir la douane de l'aéroport de Cointrin en décembre dernier, est revenu.
Cela fait deux jours qu'il a retrouvé le sol helvétique avec son épouse et leurs deux filles, après dix mois extrêmement rudes passés dans un village du Kosovo. «Je gardais toujours un tout petit espoir qui m'a fait tenir le coup. Mais franchement, je pensais qu'une fois là-bas, on allait nous oublier définitivement», avoue Fatmir. C'était sans compter sur la ténacité de ses amis en Suisse, parmi lesquels plusieurs parlementaires vaudois. A coup d'innombrables lettres avec leurs homologues fribourgeois, ils sont parvenus à obtenir du service de la population du canton, qui avait retiré à Fatmir son permis C, que les Nebija puissent revenir en Suisse. Mais avec un permis B.
Dur de se relancer
Expulsé après seize années passées en Suisse, déchu de son permis C après un cafouillage administratif, le jeune trentenaire, dont toute la famille est installée en Suisse, s'apprête à recommencer sa vie. A zéro. «Je n'ai plus rien, soupire Fatmir. J'ai dû vendre les dernières choses qui me restaient pour payer le billet d'avion pour revenir.» Avec sa famille, il loge désormais chez des cousins à Yverdon. En attendant de trouver un appartement à Estavayer, où il habitait avant le début de ses mésaventures. Une gageure lorsqu'on n'a pas de quoi payer de caution. «Et je ne peux même pas demander à quelqu'un de se porter garant à ma place, il faut que le bail soit établi à mon nom.»
Condition sine qua non pour l'obtention de son permis, un travail l'attend. Comme chauffeur de poids lourd. Mais il lui faut d'abord repasser en Suisse le permis de conduire qu'il a obtenu en Albanie, patrie de son épouse Alma. Pour cela aussi, il lui faudra de l'argent.
Dix ans pour un permis C
Le plus dur pour lui aujourd'hui? Devoir demander de l'aide aux services sociaux. «C'est plus que dur, c'est grave pour moi... Car je suis jeune, en bonne santé. Avant toute cette histoire, j'ai toujours travaillé, je gagnais bien ma vie, insiste-t-il. Mais là, je n'ai pas le choix, je dois demander de l'aide pour me relancer. Mais je veux tout rembourser le plus vite possible.» Après tout ce temps perdu, Fatmir n'attend aujourd'hui qu'une chose: recommencer à vivre normalement dans ce qu'il considère toujours comme son pays. Avoir un toit, travailler, envoyer ses filles à l'école. Dans dix ans, si tout va bien, il récupérera son permis C, obtenu une première fois en 1998.
Un article de Marc Ismail paru dans 24 Heures
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