mercredi 23 mai 2007

Migrations: la mauvaise conscience du parti socialiste

Lire dans le Courrier l'interview d'Ursula Wyss par Virginie Poyeton
La politique migratoire: une épine sur la tige de la rose socialiste. Entre protectionnisme et ouverture, les positions du deuxième parti de Suisse manquent souvent de cohérence et de fermeté. En 1931 déjà, le PS ne proteste pas lorsque l'«Überfremdung» (surpopulation étrangère) fait son apparition dans la législation suisse. Aujourd'hui, face à la montée de l'UDC xénophobe, le principe du contrat d'intégration semble bien dérisoire.
En décembre 2005, le Parti socialiste décidait –avec d'autres– de lancer le référendum contre la révision de la loi sur l'asile. Pas celui contre la loi sur les étrangers. Pour le parti gouvernemental, toutes les forces devaient se concentrer sur la tradition d'accueil humanitaire. Par la suite, le PS reviendra sur sa décision, mais son refus de combattre de prime abord une loi que d'aucuns qualifieront d'«inhumaine et xénophobe» cache mal le malaise qui habite le parti dès que l'on parle de politique migratoire. Le 24 septembre, les deux lois sont finalement acceptées en votation populaire. A hauteur de 67%. Un échec cuisant pour toute la gauche et le monde associatif.
Deux mois plus tard, le Parti socialiste essaie de se repositionner sur le devant de la scène et adopte, en assemblée générale, le principe d'un contrat d'intégration. Un document que le migrant signerait dès son arrivée, s'engageant ainsi à fréquenter des cours de langue et à participer à des séances d'information.
Dès le départ, le principe du contrat agace l'aile progressiste du parti. Discriminatoire envers les non-Européens, trop proche de ce que l'UDC aurait pu proposer, stigmatisant à l'égard de la communauté musulmane. Que faut-il déduire de cette initiative? Le seul parti gouvernemental d'opposition entend-il battre l'extrême droite sur son propre terrain? Le PS est-il réellement attaché à la Suisse multiculturelle dont il se revendique? Rencontre avec Ursula Wyss, conseillère nationale bernoise et présidente du groupe socialiste aux Chambres fédérales.

Quand on regarde en arrière sur ces dix dernières années, on a un peu l'impression que le PS se fait dicter l'agenda de la politique migratoire par l'UDC.
J'ai l'impression qu'avec les deux nouvelles lois votées en septembre –et notamment avec la loi sur les étrangers– on a réussi à remettre l'accent sur l'intégration. En ce moment, nous sommes d'ailleurs en pleine consultation des ordonnances d'application des lois. Et avant l'été, nous aurons une présentation d'un plan d'action d'intégration au niveau national. C'est une nouveauté. Jusqu'à aujourd'hui, le débat se menait au niveau local uniquement. Ce n'est que dans le milieu des années 1990 qu'on a commencé à réaliser qu'on avait affaire à une nouvelle sorte d'immigration. Les étrangers n'arrivaient plus seulement en Suisse par le biais du travail, mais aussi à travers le regroupement familial. Cette forme d'immigration posait de nouveaux défis. Le Parti socialiste a très vite insisté sur l'intégration au niveau cantonal et communal, mais il n'avait pas les moyens pour mener une politique nationale. On a perdu dix ans. Et maintenant on a cet article sur l'intégration qui figure dans la nouvelle loi sur les étrangers.


Vous parlez beaucoup d'intégration, mais quand l'UDC attaque la minorité musulmane, on entend peu le Parti socialiste...
C'est vrai. Nous devons réagir, car en Suisse nous n'avons jamais eu de problèmes avec la population musulmane. Au contraire, je pense qu'il faut aller plus loin dans son intégration et sortir les mosquées de la clandestinité. Certaines se trouvent dans des caves. Les fidèles pratiquent leur religion dans des conditions inacceptables pour un pays dont la Constitution garantit la liberté de culte. Je pense qu'il est absolument nécessaire de mener un débat sur les religions. Ce n'est pas en les interdisant qu'on résout les problèmes, mais par le biais d'un contrôle public. De notre côté, nous proposons que les imams suivent des cours de langue et étudient les fondements de notre démocratie. L'UDC, pour sa part, ne propose rien de positif. Elle fait campagne sans se rendre compte qu'elle nuit à l'image de la Confédération en général. A l'étranger, la Suisse est perçue comme un pays intolérant envers l'islam. Or ce n'est pas le cas. C'est l'UDC qui va nous créer des problèmes. C'est irresponsable de sa part.


Depuis les votations de septembre, les partis ne parlent presque plus de personnes frappées d'une non-entrée en matière (NEM), ou de sans-papiers; la question est-elle réglée?
Non, je n'ai pas l'impression que la question soit réglée. Elle est passée au niveau cantonal. Et le débat a surtout lieu en Romandie. Lors de la campagne sur les deux lois, l'accent a été mis sur les requérants d'asile et les étrangers. Ces lois ont été acceptées par la majorité du peuple, la gauche a perdu. Cela ne nous donne pas la légitimité nécessaire pour corriger les textes. Le problème est maintenant de savoir comment Christoph Blocher les fera appliquer. On sait, par exemple, qu'il a décidé d'engager des étudiants pour faire passer les entretiens d'admission aux requérants d'asile. C'est inadmissible.


Face à la campagne xénophobe de l'UDC, quels seront les grands axes programmatiques de votre politique migratoire?
Tout d'abord, nous soutenons les bilatérales –à condition que les mesures d'accompagnement soient renforcées. Dans le canton de Zurich par exemple, il existe encore très peu d'inspecteurs du travail. Le Parti socialiste soutient également une migration dans des conditions justes: des salaires suisses, mais aussi le droit à une formation qui donne aux immigrés la possibilité de s'intégrer. On s'attend également à ce que les étrangers s'engagent pour leur intégration et que l'égalité entre hommes et femmes soit respectée.

Dans les campagnes de l'UDC, les femmes font aussi l'objet d'une attention particulière. Surtout la femme musulmane...
Oui, mais l'UDC ne fait rien pour lutter contre la violence, contre les mariages forcés. Or, il faut tout faire pour protéger les victimes et punir les abuseurs. A Saint-Gall par exemple, un mari violent a été expulsé et le statut de sa femme et de sa fille renforcé. Il est inacceptable qu'un homme batte sa femme pour des motifs religieux, mais on se trompe si on renvoie la femme.


Et sur la question de l'asile, que proposez-vous?
Nous souhaitons renforcer les organisations qui s'occupent de requérants d'asile et de réfugiés. Qu'elles aient les moyens de contrôler l'administration. En ce qui concerne la loi, il est maintenant difficile de changer quoi que ce soit.


L'idée du contrat d'intégration n'a pas convaincu l'ensemble du parti. Existe-t-il une divergence de vues profonde au sein du PS?
Nous avons majoritairement décidé de soutenir le principe du contrat d'intégration. Il va être proposé par le Conseil fédéral pour des cas spéciaux. Je pense que c'est une bonne mesure. Cela permet de s'occuper de l'intégration d'un étranger dès son arrivée en Suisse. Un des reproches avancés concernait le cas des analphabètes. Il est clair qu'on ne peut pas exiger la même chose de tous. Il faudra agir au cas par cas. L'essentiel pour nous est que ce contrat souligne le fait que la Confédération prenne les étrangers au sérieux et que l'Etat s'engage à leur offrir des cours.


Votre collègue Simonetta Sommaruga a affirmé dans Le Temps: «Il faudra limiter le nombre de nouveaux arrivants.» C'est un peu surprenant. N'était-ce pas déjà l'objectif des «Lex Blocher»? Faut-il aller plus loin?
On a surtout besoin de personnes qualifiées. A l'avenir, ces travailleurs viendront de plus loin que du territoire européen. La Suisse doit s'engager pour que davantage d'étrangers viennent dans notre pays. Quant aux requérants d'asile, s'ils sont menacés, il faut les accueillir. Ce n'est pas une question de chiffres. Pour les extra-Européens, on a déjà des contingents. Je ne vois pas où MmeSomaruga voit le besoin d'agir.


«Des normes pénales plus strictes doivent être adoptées afin de réprimer des mensonges ou des dénigrements des communautés étrangères.» Que signifie cette affirmation tirée de votre plate-forme électorale?

C'est une erreur. Cette phrase ne veut rien dire. Ce qu'on voulait dire c'est qu'il faut renforcer la norme antiraciste, lutter contre les mensonges qui dénigrent les communautés étrangères. I

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