Lire l'article de Gérard Cordonnier dans 24 heures
Dès 2008, la nouvelle loi sur les étrangers augmentera les moyens de lutte contre les mariages fictifs. Témoignages autour d’une pratique chèrement payée pour rester en Suisse.
«Ça peut virer au cauchemar! Tant que tu n’as pas obtenu l’autorisation définitive de séjour et payé tout ce que tu dois, ta vie reste suspendue à un fil!» Un fil cousu de blanc, que Silvia* a bien souvent failli rompre. Durant plus de cinq années, cette Brésilienne trentenaire, aujourd’hui divorcée et naturalisée, a dû allonger les deniers pour ne pas se voir dénoncée aux autorités. Le maître chanteur? Son mari. Un Vaudois «peu scrupuleux », avec qui elle avait conclu un faux mariage. Initialement négocié 12 000 francs mais finalement payé le quintuple. Car le crédit s’est avéré sans fond: aussi longtemps que le délai légal pour obtenir l’autorisation de rester durablement sur sol helvétique n’ait été écoulé.
La loi confère automatiquement le droit de séjour au conjoint d’un ressortissant helvétique ou d’une personne en possession d’un permis d’établissement. Mais pour recevoir son permis C, encore faut-il attendre soixante mois (lire cidessous).
Un laps de temps durant lequel la personne étrangère peut se retrouver complètement sous le joug de son pourvoyeur de sésame à croix blanche. «Moi, je payais son silence 1500 francs par mois, explique Silvia. D’autres femmes acceptent toutes les faveurs pour ne pas risquer l’expulsion.» Une réalité que confirme Adiouma*. Depuis qu’elle a quitté le Sénégal pour venir rejoindre son compatriote de mari, il lui arrive occasionnellement de voir débarquer des Africaines prêtes à n’importe quel sacrifice: «C’est vraiment une forme d’esclavage moderne. En jouissant de leur nationalité, des Suisses se permettent d’aller chercher de la chair fraîche au Cameroun ou ailleurs.» Et la Sénégalaise de fustiger ce mythe de l’Europe prospère, aisément accessible. «Les expatriés qui retournent au pays doivent arrêter de faire croire que c’est facile de vivre ici. Ça provoque ce genre de misère.»
Des histoires heureuses
Mais toutes les alliances fictives ne sont de loin pas dramatiques. Selon les milieux associatifs liés à la population migrante, la plupart seraient gratuitement consenties. Par amitié. Ou par solidarité, comme l’a fait Gisèle*, une Lausannoise émue par l’histoire de son époux actuel avec qui elle n’a jamais dormi sous le même toit. Un ancien requérant d’asile arrivé des Balkans il y a dix ans et menacé d’être reconduit à la frontière.
Une crainte d’expulsion que Mariam* a bien connue. En 1992, elle aurait dû retourner à Marrakech, une fois son alibi touristique de trois mois expiré. Car sans qualification professionnelle, impossible d’obtenir un permis B. «Si tu veux rester, t’es obligée de devenir clandestin. Mais sans papiers, on vit dans la peur permanente. Moi, je ne l’ai pas supportée. » Grâce à son réseau de connaissances — la pratique la plus courante, selon l’Office fédéral des migrations —, la Marocaine a réussi à trouver un mari, devenu depuis un fidèle ami. L’homme était endetté. Au point de vouloir vendre sa virginité matrimoniale pour sortir de la galère financière. «A moi, ça m’a coûté 6000 francs, avoue Mariam. Aujourd’hui j’entends parler de 10 voire 15 000.» Et même plus!
Garder sa dignité
Selon de nombreux observateurs, les contrats nuptiaux se négocieraient facilement entre 20 000 et 30 000 francs. A payer en partie cash avant la cérémonie. Puis le solde par mensualités. «Ce prix peut facilement doubler pour un homme qui cherche une Suissesse, assure Fabio*, 29 ans. Et avec la loi qui se resserre, ça va encore augmenter.» Le garçon originaire de Rio a longtemps hésité, lui aussi, à faire le pas. Avant de se raviser pour garder sa dignité: «Un mariage blanc, ce n’est pas un coup de poker, c’est une vraie roulette russe. Et c’est vendre un peu son âme au diable.» Alors, comme la majorité de ses compagnons de clandestinité avec qui il vit à Lausanne depuis 2003, il espère plutôt rencontrer un véritable amour, version helvétique. Pour le meilleur et pour sortir enfin du pire
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