mercredi 14 mars 2007

Interdire les mariages forcés en Suisse

Voici l'article de Pascale Zimmermann dans 24 heires
Contraindre une jeune fille à se marier est interdit par le droit suisse. Or, ces unions seraient des milliers chaque année.
La radicale Trix Heberlein exige que la loi soit appliquée avec rigueur et les coupables punis.
«Pourquoi n’avez­vous rien fait, Mon­sieur Blocher?» Trix Heberlein (PRD, ZH) est très fâchée. Elle va le dire haut et fort aujourd’hui devant ses collè­gues du Conseil des Etats. «Le mariage forcé est une atteinte grave aux droits de l’homme. Or la Suisse ne fait rien pour appli­quer la loi helvétique et les Con­ventions internationales avec ri­gueur et pour punir les coupa­bles. » A l’origine du courroux de la sénatrice radicale, un postulat du printemps 2005 resté lettre morte. «Il est incompréhensible que le Conseil fédéral et le chef du Département de justice et police en particulier n’aient même pas nommé un groupe d’experts pour étudier la ques­tion. » Arrivent ensuite, en dé­cembre 2006, les résultats de la première étude jamais menée en Suisse sur les mariages forcés. Les conclusions en sont préoccu­pantes. Elles dopent la pugnacité de la Zurichoise. Trix Heberlein s’explique.
– Le problème des mariages forcés est-il réellement aigu en Suisse?
– L’enquête menée par l’associa­tion Surgir (n.d.l.r.: une ONG qui se préoccupe des crimes d’honneur et de la violence faite aux femmes,) et publiée il y a quelques mois est la seule base de référence que nous ayons. Elle a montré que 140 cas de mariages forcés ont été dénon­cés par les victimes entre janvier 2005 et mai 2006. En outre, selon les deux enquêtrices, le problème est bien plus grave. La plupart des jeunes femmes qu’un père ou un frère forcent à se marier n’osent pas dénoncer un tel acte car elles ont peur. Elles seraient des milliers con­traintes au mariage en Suisse chaque année.
– Mais ces unions ont lieu en Suisse ou à l’étranger?
– Les deux. Je sais que dans ma propre commune (n.d.l.r.: Zu­mikon, dans le canton de Zu­rich), des jeunes filles n’ont plus l’autorisation d’aller à l’école dès 12 ans et qu’elles sont vouées au mariage ar­rangé. Les offices d’état civil ne peuvent rien faire si les victi­mes ne dénoncent pas leurs parents. Mais souvent, il est vrai, ces unions sont contrac­tées à l’étranger. On envoie les jeunes filles dans leur pays d’origine pour les vacances et on les marie là-bas de force.
– Pour vous, aucune tolé­rance n’est de mise?
– Aucune. Les mariages forcés ne sauraient être considérés comme l’expression d’un droit à la différence. On ne peut pas non plus les justifier par une réfé­rence à notre société multicultu­relle. Les gens qui vivent en Suisse sont soumis aux lois hel­vétiques. Or notre droit interdit toute contrainte au mariage.
– Que proposez-vous?
– Il faut faire un travail de pré­vention auprès des associations de migrants; requérir l’appui des bureaux de l’égalité et des mai­sons de femmes, afin que les jeunes filles concernées puissent aller chercher de l’aide et de­mander des informations.
Qu’attendez-vous de vos col­lègues sénateurs?
– Qu’ils m’appuient pour faire bouger le Conseil fédéral. J’attends du Gouvernement qu’il élabore au plus vite un concept détaillé empê­chant les unions sous la con­trainte, prévoyant leur annulation lorsqu’elles sont célébrées en Suisse, protégeant les victimes et punissant les parents coupables. Nous avons tout le dispositif légal nécessaire: code pénal, code civil et loi sur les étrangers.

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