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L'affaire des viols collectifs qui a secoué la Singine rebondit au Grand Conseil, qui dénonce la médiatisation à outrance de l'événement. La TSR est notamment mise en cause.
En particulier l'éditorial de Sylvie Arsever:
Rhäzuns, Seebach, Steffisburg, Schmitten... Autant d'affaires qui sont entrées de plain-pied dans le débat politique national. L'émotion qu'ont suscitée les premières a largement dépassé la région où elles se sont produites. Ce sont les viols collectifs de jeunes que les personnes interrogées pour un sondage publié par Le Temps à la fin de l'année ont placés en tête d'une liste qui leur était soumise.
Un effet de l'émotion?
C'est dans le climat créé par cette émotion que se discute la question de l'intégration des jeunes étrangers. Un climat dans lequel la proposition de Christoph Blocher de retirer leur passeport suisse aux délinquants fraîchement naturalisés a été accueillie comme presque banale.
C'est peut-être encore un effet de l'émotion: on s'était peu interrogé jusqu'ici sur le rôle des médias. Pourtant, leur intervention s'inscrit dans un contexte à haut risque.
Les victimes et la plupart des auteurs présumés de ces abus, d'abord, sont mineurs. C'est-à-dire qu'ils devraient bénéficier d'une protection particulièrement sourcilleuse de leur anonymat. Pour sauvegarder leur personnalité et, s'agissant des suspects, leurs chances de réinsertion.
Formellement, l'anonymat a été respecté: aucun média n'a fourni l'identité entière des protagonistes de ces affaires. Mais entre prénoms, fictifs ou authentiques, photos floutées, mention d'un quartier, d'une adresse ou d'une école, on peut douter qu'il soit resté bien épais.
Les suspects, d'ailleurs, ne se cachent pas. Certains multiplient volontiers les interviews - toujours sous le couvert de l'anonymat relatif qui leur est accordé. Ces interviews peuvent de cas en cas, sembler justifiées par l'intérêt sociologique et par le souci de donner la parole à toutes les parties. Mais cela ne les empêche pas de poser des problèmes.
Une origine à taire?
Pour les victimes d'abord, qui y sont vivement malmenées et n'ont, justement, pas la parole. Mais aussi, comme le relève Anne-Françoise Comte-Fontana, juge des mineurs à Genève, pour les suspects. «La médiatisation fait de ces jeunes des héros à leurs propres yeux et, lorsqu'ils sont placés en milieu fermé, à ceux de leur entourage. Il devient plus difficile de leur faire comprendre que leur comportement n'est pas admissible.»
L'autre facteur critique est lié à la mise en exergue de l'origine des auteurs. Les journalistes sont invités par leur déontologie à proscrire la discrimination et à faire preuve de retenue dans la mention d'une origine nationale en rapport avec une affaire criminelle. Cette disposition, qui n'est pas une obligation d'euphémisme, ne doit pas aboutir à masquer un débat réel. Mais là aussi, on peut s'interroger sur les limites et le style des interventions.
Examiner dans quelle mesure chaque média a, à chaque occasion, respecté la déontologie dépasserait de beaucoup le cadre de cette réflexion. Mais si l'on s'en tient à la vue d'ensemble, l'impression de dérapage est nette. Un dérapage où les médias pourraient bien n'être que des rouages parmi d'autres d'une machine emballée que personne ne semble savoir comment arrêter.
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