Lire l'opinion en page deux de JM Dolivo et Mazyar Yosefi
Dans quelques jours, Bex attirera une fois de plus l’attention des médias. Mêmes acteurs, mêmes ingrédients: il sera question de Noirs, de requérants d’asile, de trafiquants de drogue, de la FAREAS, des Bellerins, de la peur et du sentiment d’insécurité. Allons- nous relire et revoir le même épisode d’un même feuilleton?
Non, un nouvel élément retiendra l’attention, le racisme.
Sans doute stigmatisera- t-on des excès. Injustifiés pour les uns, compréhensibles pour les autres. La messe sera dite et nous craignons d’éprouver une fois de plus l’impression de ne pas savoir ce qui se joue vraiment dans cette petite ville depuis deux ans.
Le 15 février se déroulera le procès d’un élu local qui couvrit des murs de sa commune d’inscriptions racistes - «Nègres go home» - et revendicatives: «Stop FAREAS, non à la drogue». Il était excédé par le trafic de drogue, répétera-t-il avec d’autres; jusqu’aux élections communales 2006 où il sera réélu, sur une liste UDC; jusqu’au vote anti-FAREAS de novembre 2006.
Nous tenterons d’éclairer des faits, cités par les médias mais noyés dans le souvenir d’une expédition punitive menée par une trentaine de requérants d’asile contre un tagueur, une prétendue émeute, qui a mobilisé la force de police. La réaction des Noirs a été présentée comme délictueuse. On sait pourtant qu’ils réagissaient à une manifestation de racisme qui les visait. Réaction démesurée? Possible. Mais qu’en est-il vraiment?
Tous les médias ont évoqué le communiqué du commandement de la police, en ignorant curieusement une importante imprécision. «Mardi 10 mai 2005, en début de soirée», dit le communiqué «une altercation a éclaté entre un Vaudois et des Africains en ville de Bex. (…) A la vue de ces inscriptions, vers 22 h 30, une trentaine de requérants d’asile a décidé de mener une expédition punitive à l’endroit de leur auteur». Eclatant en début de soirée, un incident a-t-il vraiment eu lieu à 22 h 30? Dommage qu’aucun journaliste n’ait rapporté que le nombre des inscriptions racistes dans les rues de Bex s’élevait à une dizaine de slogans, souvent longs, peints à la brosse avec un certain soin. Le relever aurait permis de comprendre que ces inscriptions ont été peintes durant un très long moment et avec précision. Bex n’est pas sous couvre-feu, nombre de Bellerins n’ont pu manquer de voir le tagueur à l’oeuvre. Est-il interdit de penser que certains témoins aient pu manifester une certaine compréhension à son égard en ne faisant rien pour l’empêcher de poursuivre?
Certains Noirs ont pu eux aussi assister à ce spectacle inhabituel d’un homme peignant le mépris et le dégoût qu’il éprouve à leur égard. Ne peut-on pas comprendre que l’indignation se soit accumulée et qu’elle éclate comme l’orage? Cet incident nous apprend beaucoup sur le racisme ordinaire, banalisé, qu’il convient d’identifier, de nommer et de combattre. Nous devons agir pour une société respectueuse des droits de tous, indépendamment de la couleur de la peau.
Des associations antiracistes, de défense des droits des migrants ainsi que des experts ont mis en garde face à des interventions policières qui notamment, à propos des trafiquants de drogue, mettent en évidence leur origine ou leur nationalité. Tous les Noirs deviennent suspects: le message d’une délinquance ethnique se répand. La politique s’est malheureusement aussi saisie de ce matériau hautement combustible.
C’est le procès de ce racisme-là qui nous paraît prioritaire. Il ne se mènera pas prioritairement devant un tribunal, mais par la mobilisation solidaire de la société civile.
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