vendredi 25 août 2006

Tous les étrangers ne sont pas les bienvenus

Le Journal du Jura publie une présentation détaillées des enjeux du scrutin du 24 septembre sous la plume de Christiane Imsand:
Les révisions de la loi sur l'asile et de la loi sur les étrangers soumises au peuple le 24 septembre relèvent du même esprit: freiner l'immigration extra-européenne. Etat des lieux.

La votation du 24 septembre est un test pour Christoph Blocher. La révision de la loi sur l'asile porte indubitablement sa marque alors même que le chef du Département fédéral de justice et police a hérité de Ruth Metzler un projet qui était déjà en phase parlementaire lors de son entrée en fonctions. Le conseiller fédéral UDC a réussi à en durcir le texte avant son passage devant la seconde Chambre. Une procédure inédite que le gouvernement a avalisée sans coup férir, tout comme le Parlement qui a accepté la majeure partie des innovations présentées par Christoph Blocher. Au final, la révision a peu de choses à envier à l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile», rejetée par le peuple le 24 novembre 2002.

A l'époque, la droite centriste et la gauche avaient fait bloc contre ce projet. Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, l'UDC n'est plus isolée dans le camp bourgeois et personne ne parie sur les chances de succès du référendum lancé par la gauche rose-verte avec le soutien des Eglises et des œuvres d'entraide. Or, la rigueur de la réforme dans les domaines de la procédure d'asile et de l'aide sociale est encore accentuée par la révision totale de la loi sur les étrangers dont certaines dispositions s'appliquent aussi aux requérants déboutés. C'est le cas des mesures de contrainte qui permettent d'emprisonner jusqu'à deux ans les étrangers qui refusent de collaborer à leur expulsion. Cette imbrication des deux lois a justifié le lancement d'un double référendum. La procédure est d'autant plus logique que les deux réformes sont marquées par la même volonté de freiner l'immigration extra-européenne.

La campagne a démarré sur la base d'un traditionnel affrontement gauche-droite qui a donné l'occasion à l'ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss de se muer en conscience morale de la nation. Cette approche manichéenne est cependant devenue obsolète depuis l'engagement d'un comité bourgeois contre la double révision. Y figurent des personnalités comme l'ancien conseiller d'Etat vaudois Claude Ruey, l'ancien président de Swisscom Markus Rauh ou encore l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin. Pour eux, ces deux lois sont inadmissibles sur le plan éthique et elles ne résoudront pas le problème des migrations. «Elles ne feront qu'accroître le nombre des sans-papiers», affirme François Couchepin.

L'entrée en campagne de ces personnalités a mis le PDC sur la sellette, d'autant plus que les Eglises catholique et réformée sont elles aussi du côté des référendaires. Le PDC affirme avoir procédé à une pesée des intérêts qui lui permet de défendre le projet mais il n'y met pas un enthousiasme débordant.

Les autres partis bourgeois sont moins empruntés. Les radicaux considèrent les deux révisions comme l'un des piliers de la politique migratoire poursuivie par le parti. Reste l'UDC pour qui cette votation n'est qu'une étape. Le parti travaille déjà sur de nouvelles propositions restrictives dans le domaine des naturalisations.

Ch. I.



Au final, la révision a peu de choses à envier à l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile», rejetée par le peuple.

Les sept points qui divisent les politiques

Pas de papiers, pas d'asile

Si un requérant d'asile se présente sans documents de voyage, ni pièce d'identité dans un délai de 48 heures, les autorités n'entreront pas en matière sur sa demande d'asile. Cette disposition existe déjà dans le droit actuel, mais les conditions sont encore plus strictes avec la nouvelle loi. Ainsi, le permis de conduire et l'acte de naissance ne seront plus jugés comme des documents suffisants car ils peuvent trop facilement être falsifiés. Le comité référendaire souligne qu'une personne persécutée par l'Etat ne peut pas lui demander un document officiel. La droite rétorque que la loi prévoit des exceptions pour les requérants qui rendent vraisemblable l'absence de papiers.
Aide sociale laminée

Actuellement, seuls les requérants frappés d'une décision de non-entrée en matière sont exclus de l'aide sociale. A l'avenir, cette mesure touchera également les personnes dont la demande d'asile a été repoussée. Elles pourront tout au plus demander une aide d'urgence aux cantons. La nouvelle loi ne prévoit pas d'exception pour les malades et les enfants. La suppression de l'aide sociale a pour but d'accélérer l'exécution des renvois. Le comité référendaire affirme qu'elle risque de pousser dans l'illégalité les personnes dont le renvoi est inexécutable, faute de papiers.
Détention pour insoumission

Les requérants déboutés qui refuseront de quitter la Suisse volontairement pourront être mis en détention pour une durée allant jusqu'à deux ans, contre neuf mois actuellement. «C'est complètement disproportionné s'agissant de personnes qui n'ont pas commis d'infraction», affirme le comité référendaire qui note que même des mineurs (entre 15 et 18 ans) pourront être enfermés pendant une année.
Regroupement familial compromis

Pour les ressortissants étrangers non membres de l'Union européenne, le regroupement familial devra intervenir durant les cinq premières années de séjour. Et l'âge limite sera abaissé de 18 à 12 ans. Les enfants de plus de 12 ans devront rejoindre leur famille dans un délai de 12 mois et ils n'auront droit qu'à une autorisation de séjour limitée. Justification de ces mesures: plus le regroupement familial a lieu tôt, plus les chances d'intégration sont bonnes. La gauche rétorque que ce sont souvent les contraintes administratives et matérielles qui empêchent un regroupement familial rapide (exigence d'un revenu et d'un logement adéquat).
Mariages blancs

Les officiers d'état civil seront autorisés à refuser un mariage en cas de soupçon de mariage blanc. «C'est la porte ouverte à l'arbitraire», affirme la gauche. «Cela permettra d'éviter que l'on se marie pour contourner la loi», répond la droite.
Deux cercles

La nouvelle loi sur les étrangers officialise le système des deux cercles puisqu'elle ne s'applique qu'aux ressortissants extra-européens. Ceux-ci ne passeront la porte de la Suisse que s'ils sont hautement qualifiés. Il n'y aura plus de droit automatique à un permis C après dix ans de séjour en Suisse.
Les bonnes âmes pénalisées

Les personnes bien intentionnées qui aident un étranger en situation irrégulière risquent une amende pouvant aller jusqu'à 20 000 francs, voire un an de prison. C'est le double des peines actuelles. Les défenseurs de la loi font valoir que le but de ce durcissement est de dissuader les organisations de passeurs. Les personnes agissant dans un but lucratif risquent en effet une amende de 500 000 francs (100 000 francs aujourd'hui) et 5 ans de prison (au lieu de 3). L'amende peut aussi aller jusqu'à 500 000 francs (5000 francs aujourd'hui) pour l'emploi d'étrangers sans autorisation.

CONSENSUS

Parmi les points qui rassemblent:

Intégration

L'octroi d'une autorisation de séjour pourra être subordonné à l'obligation de suivre un cours de langue ou un cours d'intégration. En contrepartie, une autorisation d'établissement pourra être accordée au terme de 5 ans de séjour, au lieu de 10 ans, si l'étranger montre qu'il s'est bien intégré en Suisse, en particulier lorsqu'il a de bonnes connaissances d'une langue nationale.

Regroupement familial

Les titulaires d'une autorisation de courte durée et les étudiants pourront faire venir leur famille s'ils disposent de logements et de ressources suffisantes. En cas de dissolution de la famille, ses membres pourront rester en Suisse s'ils y ont séjourné au moins trois ans.

Mobilité

Actuellement, les détenteurs d'un permis B (autorisation de séjour annuelle) ne peuvent changer de travail ou de canton qu'avec l'aval des autorités. Cette contrainte tombe avec la nouvelle loi sur les étrangers.

Admission provisoire

Les personnes admises à titre provisoire accéderont plus facilement au marché du travail, car les cantons pourront les autoriser à exercer une activité lucrative. Les cantons seront habilités à délivrer une autorisation de séjour ordinaire (permis B) aux étrangers admis provisoirement et résidant en Suisse depuis cinq ans.

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