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Le rejet du Traité constitutionnel européen (TCE) n'a pas fini de faire des vagues. Notamment au pays des polders qui tenait mercredi son premier scrutin législatif depuis le net refus (61%) par les Néerlandais du projet de Constitution de l'Union européenne. Avec 16,6% des voix et vingt-six élus (sur 150), le Parti socialiste (SP, extrême gauche) a pratiquement triplé son audience, devenant la troisième formation politique du pays, et surtout la seule à avoir réellement progressé. Pas de quoi s'emparer du pouvoir, bien entendu, mais on est tout de même loin de l'épiphénomène.
Fer de lance de la campagne de gauche contre le TCE et de l'opposition à la guerre en Irak, le SP récolte les fruits d'une mue profonde et d'un discours cohérent. Ex-maoïste, le Parti socialiste néerlandais s'est ouvert de longue date aux divers courants de la gauche radicale et a opéré un aggiornamento idéologique. Foin de dogmatisme marxiste-léniniste, place au réformisme radical.
Adepte du social-libéralisme, le Parti du travail (PvdA) de Wouter Bos n'a pas vu venir le danger. Grave erreur: le «Tony Blair batave» est la principale victime de la montée des antilibéraux, son parti perdant dix sièges et le quart de son électorat. Le choc est d'ampleur dans ce pays historiquement appuyé sur trois piliers inébranlables: travaillisme / libéralisme / démocratie-chrétienne.
Mais la poussée du Parti socialiste doit également être placée dans le contexte réjouissant du recul de l'extrême droite. Avec moins de 6%, le dénommé Parti de la liberté n'est pas parvenu à prendre la relève du mouvement xénophobe de Pym Fortuyn, éjecté mercredi du Parlement.
Pas plus que les deux partis de la droite classique. Malgré leurs surenchères anti-étrangers, ils perdent neuf sièges au total. Le cas du Parti libéral (VVD) est paradigmatique: ni son opposition à la Constitution européenne ni ses diatribes anti-islam ne lui ont évité de perdre le quart de ses élus.
«Alors que la dernière campagne législative, en 2003, s'était focalisée sur l'immigration et l'islam, cette année le débat porte sur la protection sociale, l'emploi, le logement, les vrais problèmes quotidiens»[1], se réjouissait récemment dans l'Humanité Hans van Heijningen, responsable de la campagne du SP. Une sorte de mode d'emploi pour faire reculer les marchands de xénophobie.
Il y a trois ans, le mouvement altermondialiste européen réuni à Paris avait fait de la lutte anti-TCE le tremplin d'une opposition conséquente au néolibéralisme. La stratégie s'est avérée judicieuse. Les référendums français, néerlandais, espagnol et luxembourgeois[2] se sont révélés être les premiers débats démocratiques à large échelle sur la mondialisation qu'ait connus le continent. Il était temps.
Mercredi, le Parti socialiste néerlandais a traduit dans les urnes ce recadrage politique, économique et social de la mondialisation. Démontrant, par là même, sa pertinence pour faire reculer les fantasmes populistes et le sentiment d'impuissance.
Dans six mois, l'élection présidentielle française offrira également une opportunité unique aux antilibéraux de consolider l'alternative née du rejet du TCE. A condition qu'ils cessent au plus vite leurs manoeuvres partisanes.
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