mardi 26 septembre 2006

Opinion de Denis Barrelet dans 24heures

24 heures
Les 68% doivent s’engager pour toute l’Europe


Maintenant que la mo­dification de la loi sur l’asile et la nouvelle loi sur les étrangers ont été accep­tées par le peuple, laissons la confiance s’installer. Cela signi­fie, en premier lieu, que les lois doivent être appliquées. Les procédures doivent être rapides autrement que sur le papier et un séjour en Suisse ne doit plus être attractif lorsque sa prolon­gation a été refusée. Les règles nouvelles destinées à intégrer les étrangers admis, et à éviter leur exploitation, doivent deve­nir réalité elles aussi.
Le vote de dimanche, si clair, assure les meilleures conditions quant à l’avenir, à condition qu’on ne se mette pas systéma­tiquement à tirer à nouveau de gauche et de droite. De gauche viendra la tentation de réintroduire par la petite porte ce qui a été prôné en vain ces dernières semaines, dont par exemple une règle faisant du travail trouvé en Suisse un droit d’y séjourner durablement d’où qu’on vienne. De droite pour­raient venir d’autres freins à l’immigration, dans un but étroitement électoral.
Cette confiance retrouvée quant à la capacité de l’Etat d’agir, il la faut en réalité pour d’autres raisons encore. Ce qui est en jeu, avec la pression migratoire croissante en prove­nance des pays pauvres, c’est l’équilibre démographique et social des pays du Nord. Pour l’heure, chacun croit pouvoir s’en tirer seul. Les Pays-Bas, libéraux s’il en était dans ce domaine, sont parmi les plus sévères désormais, par la crainte légitime de perdre leur identité. La Suisse les a dépas­sés dimanche. Pendant ce temps, les barques qui accos­tent à Lampedusa ou aux Cana­ries déchargent des drames. Romano Prodi régularise par centaines de milliers les sans papiers de fraîche date, ce qui ne fait que créer le vide qui attirera en Italie les clandestins suivants. La question, de plus en plus incisive, est celle d’une politique commune sans la­quelle la situation deviendra inextricable.
Les Suisses ont voté diman­che, sagement apparemment. Sagement veut dire, en réalité, qu’on ne défendra pas la Suisse durablement si on le fait seul dans son coin, avec le dernier Recueil des lois fédérales. En novembre, le peuple retour­nera aux urnes, cette fois pour dire s’il estime correctement placé le milliard que les autori­tés suisses ont promis à l’Union européenne pour aider ses pays pauvres à lui. L’Union démocratique du centre, cette fois, fera cavalier seul, esti­mant cet argent mieux dans notre porte-monnaie. En fait, ce sera l’épreuve du feu. Si, dans leurs majorités, les ci­toyens approuvent ce milliard, ils montreront qu’ils ont com­pris combien, dans un ensem­ble économique fonctionnant correctement, riches et pau­vres dépendent les uns des autres.
La Suisse a toutes les raisons de se soucier des équilibrages économiques dans le reste du monde, dès maintenant. Cela n’a rien à voir avec une forte­resse haïssable construite par les privilégiés. Si les Européens veulent conserver leur nature profonde, c’est sans plus atten­dre qu’ils doivent se mettre autour de la table commune. Etablir des règles restreignant durablement l’immigration, ac­compagnée par des créations d’emplois dans les pays d’ori­gine et y assurant des prix jus­tes: c’est là que l’on aimera voir la Suisse en tête, et Micheline Calmy-Rey et ses successeurs. Faut-il rappeler qu’en sa qualité de puissance financière et de défenseur des pays pauvres, no­tre légitimité pour agir est dou­ble? Depuis dimanche, Berne doit s’adapter! Question de co­hérence.

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