24 heures
Les 68% doivent s’engager pour toute l’Europe
Maintenant que la modification de la loi sur l’asile et la nouvelle loi sur les étrangers ont été acceptées par le peuple, laissons la confiance s’installer. Cela signifie, en premier lieu, que les lois doivent être appliquées. Les procédures doivent être rapides autrement que sur le papier et un séjour en Suisse ne doit plus être attractif lorsque sa prolongation a été refusée. Les règles nouvelles destinées à intégrer les étrangers admis, et à éviter leur exploitation, doivent devenir réalité elles aussi.
Le vote de dimanche, si clair, assure les meilleures conditions quant à l’avenir, à condition qu’on ne se mette pas systématiquement à tirer à nouveau de gauche et de droite. De gauche viendra la tentation de réintroduire par la petite porte ce qui a été prôné en vain ces dernières semaines, dont par exemple une règle faisant du travail trouvé en Suisse un droit d’y séjourner durablement d’où qu’on vienne. De droite pourraient venir d’autres freins à l’immigration, dans un but étroitement électoral.
Cette confiance retrouvée quant à la capacité de l’Etat d’agir, il la faut en réalité pour d’autres raisons encore. Ce qui est en jeu, avec la pression migratoire croissante en provenance des pays pauvres, c’est l’équilibre démographique et social des pays du Nord. Pour l’heure, chacun croit pouvoir s’en tirer seul. Les Pays-Bas, libéraux s’il en était dans ce domaine, sont parmi les plus sévères désormais, par la crainte légitime de perdre leur identité. La Suisse les a dépassés dimanche. Pendant ce temps, les barques qui accostent à Lampedusa ou aux Canaries déchargent des drames. Romano Prodi régularise par centaines de milliers les sans papiers de fraîche date, ce qui ne fait que créer le vide qui attirera en Italie les clandestins suivants. La question, de plus en plus incisive, est celle d’une politique commune sans laquelle la situation deviendra inextricable.
Les Suisses ont voté dimanche, sagement apparemment. Sagement veut dire, en réalité, qu’on ne défendra pas la Suisse durablement si on le fait seul dans son coin, avec le dernier Recueil des lois fédérales. En novembre, le peuple retournera aux urnes, cette fois pour dire s’il estime correctement placé le milliard que les autorités suisses ont promis à l’Union européenne pour aider ses pays pauvres à lui. L’Union démocratique du centre, cette fois, fera cavalier seul, estimant cet argent mieux dans notre porte-monnaie. En fait, ce sera l’épreuve du feu. Si, dans leurs majorités, les citoyens approuvent ce milliard, ils montreront qu’ils ont compris combien, dans un ensemble économique fonctionnant correctement, riches et pauvres dépendent les uns des autres.
La Suisse a toutes les raisons de se soucier des équilibrages économiques dans le reste du monde, dès maintenant. Cela n’a rien à voir avec une forteresse haïssable construite par les privilégiés. Si les Européens veulent conserver leur nature profonde, c’est sans plus attendre qu’ils doivent se mettre autour de la table commune. Etablir des règles restreignant durablement l’immigration, accompagnée par des créations d’emplois dans les pays d’origine et y assurant des prix justes: c’est là que l’on aimera voir la Suisse en tête, et Micheline Calmy-Rey et ses successeurs. Faut-il rappeler qu’en sa qualité de puissance financière et de défenseur des pays pauvres, notre légitimité pour agir est double? Depuis dimanche, Berne doit s’adapter! Question de cohérence.
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