«Ces lois pourraient générer des souffrances supplémentaires»
Interview de Patrick Bodenmann, chef de clinique et responsable médical du Centre de santé infirmier (CSI) pour les requérants d’asile, à la Policlinique médicale universitaire à Lausanne.
Patrick Bodenmann: «Selon plusieurs études, le syndrome de stress post-traumatique est dix fois plus fréquent parmi la population de migrants. Il y a donc un réel besoin d’assistance psychologique.»
— Depuis avril 2004, les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (NEM) ne touchent plus l’aide sociale, et reçoivent une aide d’urgence (minimum vital). Cette situation a-t-elle des conséquences sur leur santé?
— Selon les données que nous avons recueillies, les NEM sont en très grande majorité des hommes, âgés de 25-26 ans et célibataires. Ils ont effectué un long voyage pour venir en Suisse et on se dit qu’ils devraient être en relative bonne santé. Mais nous avons été étonnés de l’importante présence de troubles psychologiques et psychiatriques dans cette population. Ces personnes souffrent souvent de dépression, d’anxiété, d’angoisse généralisée ou encore de syndrome de stress post-traumatique.
— Comment l’expliquez-vous?
— Pour répondre précisément, il faudrait étudier ce phénomène. Il est difficile de savoir si la situation qu’ils vivent est la cause de ces pathologies, mais on peut imaginer que les conditions dans le pays hôte ont une probable influence. Souvent, les jeunes hommes que je rencontre sont peu au clair face à leur situation, ne connaissent pas très bien leurs droits et leurs obligations. Bref, ils sont dans le flou et manquent de repères.
— Si le peuple accepte la nouvelle loi sur l’asile, les requérants déboutés et tenus de quitter la Suisse seront traités comme les NEM. Cela aura-t-il des conséquences?
— Si les deux modifications soumises au peuple sont acceptées, certaines personnes seront plus vulnérables et cela aura probablement un impact sur leur santé. Des études publiées dans la presse médicale l’ont déjà mon- tré: quand un pays durcit sa pratique face aux migrants, certaines de leurs pathologies, notamment mentales, tendent à s’aggraver et à devenir chroniques. Les nouvelles lois pourraient donc générer des souffrances supplémentaires, et donc également des coûts.
— Comment soignez-vous ces personnes?
— Il faut les suivre, le mieux possible. Mais dans le cas des NEM, nous nous heurtons à une difficulté: ils n’ont droit qu’à une aide d’urgence. Qu’est-ce que cela signifie?
Est-ce qu’il faut simplement garantir leur survie ou l’urgence peut-elle être vue de façon plus vaste? Dans le canton de Vaud, nous avons la possibilité d’apporter des soins à ces personnes grâce aux soutiens du monde politique et des institutions de santé. De façon plus générale, nous pouvons former les jeunes médecins et soignants à la problématique de la santé des migrants, mettre en place des structures ou des groupes de réflexions pour permettre aux plus vulnérables d’avoir accès aux soins. Localement, cet enseignement et cette réflexion sont en cours. En Suisse, les établissements publics réfléchissent aux stratégies à mettre en place dans le cadre d’un programme appelé «Migrant Friendly Hospitals». Au niveau européen, un tel processus avait déjà débuté en 2004.
— Le monde médical s’engage en faveur des migrants alors que le politique insiste sur la nécessité de lutter contre les abus.
— Cela peut paraître contradictoire, en effet; mais la Suisse s’est aussi engagée, en signant des conventions internationales ou par le biais de sa constitution, à fournir des soins à tous. La réalité est là et nous devons y répondre. Ceci dit, il arrive aussi que des organisations non gouvernementales, créées d’abord pour intervenir dans des pays en développement, prennent le relais des structures officielles pour parer aux nécessités dans des pays développés, y compris en Suisse.
CAROLINE ZUERCHER
— Selon les données que nous avons recueillies, les NEM sont en très grande majorité des hommes, âgés de 25-26 ans et célibataires. Ils ont effectué un long voyage pour venir en Suisse et on se dit qu’ils devraient être en relative bonne santé. Mais nous avons été étonnés de l’importante présence de troubles psychologiques et psychiatriques dans cette population. Ces personnes souffrent souvent de dépression, d’anxiété, d’angoisse généralisée ou encore de syndrome de stress post-traumatique.
— Comment l’expliquez-vous?
— Pour répondre précisément, il faudrait étudier ce phénomène. Il est difficile de savoir si la situation qu’ils vivent est la cause de ces pathologies, mais on peut imaginer que les conditions dans le pays hôte ont une probable influence. Souvent, les jeunes hommes que je rencontre sont peu au clair face à leur situation, ne connaissent pas très bien leurs droits et leurs obligations. Bref, ils sont dans le flou et manquent de repères.
— Si le peuple accepte la nouvelle loi sur l’asile, les requérants déboutés et tenus de quitter la Suisse seront traités comme les NEM. Cela aura-t-il des conséquences?
— Si les deux modifications soumises au peuple sont acceptées, certaines personnes seront plus vulnérables et cela aura probablement un impact sur leur santé. Des études publiées dans la presse médicale l’ont déjà mon- tré: quand un pays durcit sa pratique face aux migrants, certaines de leurs pathologies, notamment mentales, tendent à s’aggraver et à devenir chroniques. Les nouvelles lois pourraient donc générer des souffrances supplémentaires, et donc également des coûts.
— Comment soignez-vous ces personnes?
— Il faut les suivre, le mieux possible. Mais dans le cas des NEM, nous nous heurtons à une difficulté: ils n’ont droit qu’à une aide d’urgence. Qu’est-ce que cela signifie?
Est-ce qu’il faut simplement garantir leur survie ou l’urgence peut-elle être vue de façon plus vaste? Dans le canton de Vaud, nous avons la possibilité d’apporter des soins à ces personnes grâce aux soutiens du monde politique et des institutions de santé. De façon plus générale, nous pouvons former les jeunes médecins et soignants à la problématique de la santé des migrants, mettre en place des structures ou des groupes de réflexions pour permettre aux plus vulnérables d’avoir accès aux soins. Localement, cet enseignement et cette réflexion sont en cours. En Suisse, les établissements publics réfléchissent aux stratégies à mettre en place dans le cadre d’un programme appelé «Migrant Friendly Hospitals». Au niveau européen, un tel processus avait déjà débuté en 2004.
— Le monde médical s’engage en faveur des migrants alors que le politique insiste sur la nécessité de lutter contre les abus.
— Cela peut paraître contradictoire, en effet; mais la Suisse s’est aussi engagée, en signant des conventions internationales ou par le biais de sa constitution, à fournir des soins à tous. La réalité est là et nous devons y répondre. Ceci dit, il arrive aussi que des organisations non gouvernementales, créées d’abord pour intervenir dans des pays en développement, prennent le relais des structures officielles pour parer aux nécessités dans des pays développés, y compris en Suisse.
CAROLINE ZUERCHER
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