vendredi 22 septembre 2006

Accès au soin, angélisme, ados emprisonnables: vos réactions

Lettres et prises de positions des lecteurs du 24 Heures

Dessin Mix & Remix



Bellerins, gare à l’angélisme!
Peut-on habiter Bex et voter deux fois non? Aujourd’hui Bex est devenu synonyme de «gros problèmes avec les réfugiés». A cause de quelques dealers et de violences perpétrées par des citoyens qui se sont octroyé le rôle de justiciers, la réputation de Bex a pris un coup. Voici qu’on vote sur une nouvelle loi censée mieux lutter contre les abus en matière d’asile. Quelle aubaine, pourrait-on croire! Or il n’en est rien!
Cette loi poussera davantage de requérants vers la clandestinité, donc vers des activités illégales telles que le trafic de drogue. Parce qu’elle refuse le droit d’asile à ceux qui ne présentent pas dans les 48 heures un papier d’identité, des milliers de personnes seront condamnées à errer – sans assistance et sans papiers – dans les rues des villes et villages de notre pays.
Une aberration lorsqu’on sait que pour des raisons politiques, administratives et d’analphabétisme, plus d’un milliard d’humains sont privés de pièces d’identité.
(…) Quant à la loi sur les étrangers, elle provoque une ségrégation entre ressortissants européens et extra-européens contraints d’aller grossir les rangs des travailleurs au noir et privés du droit au regroupement familial. Les partisans de ces deux lois font preuve d’angélisme en croyant qu’elles résoudront les problèmes liés aux abus. Avec la nouvelle loi sur l’asile il y aura davantage de requérants qui seront condamnés à traîner dans les rues et la nouvelle loi sur les étrangers sera une fabrique de travailleurs au noir
Alberto Cherubino,
Groupe bellerin d’appui aux requérants d’asile Bex



Cessons de critiquer
Les nouvelles lois sur les étrangers provoquent beaucoup de critiques et d’autres choses négatives sur les Suisses, cela me gêne! A croire que tous les Suisses font du mal aux étrangers. Si les Suisses (ceux qui restent) étaient si mauvais les trois millions d’étrangers qui vivent en Suisse ne resteraient pas.Nous avons toujours eu du grand respect pour tous ceux qui respectent nos lois, nos règlements et nos traditions.Mais on ne peut pas donner plus que ce que l’on a (c’est la même chose pour tous les pays).Alors, s.v.pl. du respect pour nos anciens, plus de critiques sur les Suisses. Car malgré tout, si la Suisse n’était pas ce qu’elle est maintenant, beaucoup ne seraient pas en Suisse ce qu’ils sont aujourd’hui. Je suis fier d’être Suisse et j’ai du respect pour mon pays.
Alexandre Warpelin, Vevey



Des procédures peu fiables
On parle peu de l’application concrète des procédures d’asile. De leur fiabilité dépend pourtant la confiance qu’on peut avoir dans la nouvelle loi ou la méfiance qu’elle peut susciter. Pour avoir quelque expérience du domaine, je constate que la situation n’a guère changé en un quart de siècle. Deux exemples.En 1982, lors de l’audition de requérants chiliens à Berne, j’entends l’enquêteur fédéral souffler au traducteur « Er lügt » (il ment). Pourquoi, ai-je demandé? Le requérant disait avoir obtenu son certificat d’études secondaires en 1970, alors que dans l’audition cantonale préalable il avait annoncé 1969… J’eus beau me récrier que nombre de bons Suisses ne se souviennent plus des dates d’examens datant de douze ou treize ans. Mais ce point est devenu un des motifs de base du refus, bien qu’il fût certain que l’intéressé avait été harcelé par la police de son pays pour des motifs politiques.Récemment, j’ai vu le dossier d’un requérant congolais débouté notamment en raison d’une faute d’orthographe dans un acte d’état civil. J’ai déjà vu des coquilles dans des actes suisses. Et qui peut s’étonner qu’un fonctionnaire congolais ne maîtrise pas parfaitement l’orthographe d’une langue non maternelle?Cette recherche de la petite bête est incompatible avec une appréciation saine et objective des preuves. On pourrait multiplier les cas à l’envi. Il est inimaginable de conférer une portée beaucoup plus grave que par le passé à la législation sur l’asile (à celle sur les étrangers aussi) dans un cadre où la procédure est restée aussi arbitraire. Un motif de plus de refuser ces deux lois déjà insensées pour bien d’autres raisons.
Luc Recordon, avocat et conseiller national, Jouxtens-Mézery



Un accès réduit aux soins
L’une des conséquences majeures, voire l’un des buts de la nouvelle loi sur l’asile est la précarisation croissante des personnes qui viennent chercher refuge en Suisse.Cette précarisation entraîne notamment un accès réduit aux soins médicaux, aussi bien de médecine générale que psychiatrique.Les personnes qui fuient un pays où sévit la guerre ont souvent été victimes ou témoins directs de violences, de tortures ou d’abus sexuels.Nombre des personnes qui cherchent refuge chez nous souffrent de troubles consécutifs à ces expériences douloureuses.Loin de moi l’idée que tous les requérants d’asile auraient besoin d’un psychiatre. Mais il convient que les soins adéquats puissent continuer d’être apportées à ceux qui en ont besoin. Sans aide, un syndrome de stress post-traumatique va devenir chronique et invalidant, engendrer une désinsertion, une diminution des capacités relationnelles, le recours à l’alcool ou à d’autres substances nocives, et des troubles dépressifs graves pouvant aller jusqu’au suicide.La nouvelle loi sur l’asile prétend favoriser «l’intégration sociale, professionnelle et culturelle» des personnes cherchant refuge chez nous.Mais de fait, en empêchant l’accès aux soins, elle augmente les risques de difficultés d’intégration. Des raisons humanitaires et sanitaires incitent donc à voter deux fois non.
Irène Gisel, Médecin, Lausanne



Des adolescents jetés en prison
Quelle dignité a un Etat qui projette de jeter en prison jusqu’à un an de vulnérables adolescents de 15 ans, dont le seul tort est d’être étrangers et d’aimer notre pays au point de refuser de se soumettre à une décision de renvoi? Que fera-t-on des enfants de familles de requérants déboutés qui ne se soumettent pas, lorsque les deux parents auront été jetés en prison pour une durée allant jusqu’à deux ans? Demandera-t-on encore une fois à Pro Juventute d’en prendre «soin», en les arrachant définitivement à leur famille, comme avec les gens du voyage, jusqu’il y a peu?Lorsque ce même pouvoir met au vote un texte qui supprime le droit de recours et sanctionne très lourdement quiconque fera preuve de compassion en aidant un(e) clandestin(e) dans la détresse, alors il a jeté le masque!Notre pays est d’une beauté sublime. Encore faudra-t-il en être digne!
Richard Spitz, pédiatre FMH, Moudon



Des enseignants mal pris
Si nous acceptons les deux lois proposées, il faudra en assumer les conséquences et accepter l’idée de notre responsabilité dans l’accroissement et la difficulté des tâches des enseignants. Comment en effet rendront-ils crédible, auprès d’adolescents étrangers, la transmission des savoirs, suspectés qu’ils seront d’avoir rejeté ces mêmes adolescents par le biais des urnes?Chacun sait d’expérience que pour accepter d’entrer en apprentissage, la confiance est nécessaire dans celui qui transmet. Comment l’enseignant luttera-t-il contre l’échec scolaire, tout en sachant que l’angoisse, l’abandon et l’impossibilité de se projeter dans l’avenir, qui seront le lot de nombreux élèves, mobilisent l’énergie psychique au point d’empêcher les apprentissages? Si le double oui l’emporte, comment supporter, en tant qu’enseignant (souvent aussi parent), les situations douloureuses d’élèves étrangers et comment les justifier face au reste de la classe sans honte ni culpabilité?Enfin que feront les enseignants de la violence issue de l’instabilité, de l’insécurité et du sentiment d’injustice que ces lois ne manqueront pas de générer?Un double refus prouverait que nous tentons de répondre, sans simplification, à la difficile question de «Comment vivre ensemble?».
Christiane Chessex-Viguet, Vevey

Dessin Mix & Remix


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