vendredi 18 août 2006

Nous ne voterons pas sur des statistiques

Editorial de 24 heures par Thierry Meyer


SIGNE BURKI
ASILE: LA GUERRE DES CHIFFRES

La question des abus en matière d’asile, et celle de l’intégration des étrangers, au coeur de la votation cardinale du 24 septembre prochain, sont toutes deux propices aux affrontements chiffrés. Car entre admissions provisoires, chiffres mensuels, tendance à long terme et renvois définitifs, l’étalage des statistiques à disposition tient quasiment du supermarché où chacun, quelle que soit sa position, y trouve son compte.
Pas étonnant dès lors, dans le climat passionnel qui préside à cette campagne, que les deux camps brandissent péremptoirement des pourcentages contradictoires, en se
traitant mutuellement de menteurs et de manipulateurs. Les chiffres sont là pour lester une opinion, la marquer du sceau de la vérité vraie, rendre des arguments irréfutables. Et en matière de chiffres, la créativité des politiques, gouvernants compris, dépasse souvent celle des meilleurs fiscalistes… Il serait faux de nier tout impact statistique dans le débat sur l’asile et les étrangers. L’essor de l’UDC et de ses thèses s’est concrétisé sur fond de guerres yougoslaves et d’afflux de réfugiés vers la Suisse. Mais le fond de la question qui nous est posée le 24 septembre n’est pas là.
Conséquence d’un changement de la donne géopolitique, le reflux constant et massif du nombre des requérants d’asile, observé dans l’Europe entière depuis quelques années, ne saurait du reste servir de justification a posteriori d’un durcissement politique. Ni de disqualification automatique des révisions soumises au peuple le mois prochain.
Le scrutin du 24 septembre ne porte pas sur des chiffres, si importants soient-ils, mais sur un principe: la révision de la loi sur l’asile, en particulier, franchit-elle la
ligne de rouge de l’admissible en matière de traitement des êtres humains? Ou, à l’opposé, contribue-t-on à favoriser une immigration économique clandestine et hypocrite, bacille de drames en devenir, en votant non?
Aucun chiffre, aucun pourcentage ne parviendra à trancher ces interrogations essentielles. Les convaincus iront puiser là où ils trouveront confirmation de leurs perceptions réciproques. Et les indécis seront encore plus déroutés par l’abondance contradictoire des statistiques. Prêts à s’en remettre à leur émotion plutôt qu’à leur raison.

THIERRY
MEYER

Sur le même sujet, lire les développements de Caroline Zuercher: "L’abus d’arithmétique partisane pollue la campagne sur l’asile

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