L’abus d’arithmétique partisane pollue la campagne sur l’asile
Sur cent requérants, combien sont finalement accueillis par la Suisse? La question semble simple, mais les réponses sont multiples. Les chiffres sont-ils objectifs?
Les derniers épisodes de la campagne sur la loi sur l’asile semblent montrer le contraire. Suivant qu’ils se concentrent sur le court ou le long terme, qu’ils comptabilisent ou non les personnes admises provisoirement, partisans et opposants du durcissement font dire aux statistiques officielles tout et son contraire. Une «guerre des chiffres», mise en évidence, hier, par l’ATS.
Tout est parti d’une lettre ouverte adressée par le conseiller national Claude Ruey aux membres du comité bourgeois contre la loi sur l’asile, intitulée «L’arithmétique à Bonzon ou comment l’UDC abuse les citoyens». Le libéral vaudois n’a pas digéré les propos tenus par la conseillère d’Etat UDC Rita Fuhrer, le 26 juillet lors d’une conférence à Berne. La Zurichoise avait alors déclaré: «Nous sommes toujours confrontés à quelque 10 000 nouvelles demandes d’asile par an dont 75% au moins sont abusives.» Sur le court ou sur le long terme? Faux, s’exclame Claude Ruey! Se basant sur les statistiques de l’Office fédéral des migrations (ODM), le Nyonnais affirme au contraire qu’«en 2005, 53,9% des demandes ont été au bénéfice d’admissions provisoires ou de la protection statutaire des réfugiés ». Le Vaudois va encore plus loin en soulignant que, pour janvier à juin 2006, ce taux est de près de 70%. Conclusion du conseiller national: «Ces chiffres sont accablants pour l’UDC qui persiste à vouloir tromper le peuple en imaginant des abus et en les multipliant mensongèrement.» Rita Fuhrer n’était pas atteignable, hier. «Je suis certain que ses chiffres sont corrects», souligne pour sa défense Simon Glauser, porte-parole adjoint de l’UDC. Alors, qui a raison? «Notre office! » répond, à l’ODM, Brigitte Hauser. Selon cette porte-parole, tout dépend du regard porté sur les statistiques. Car si les chiffres de Claude Ruey sont corrects, il ne faudrait pas limiter l’analyse à la seule année 2005, «ce d’autant plus que, l’an dernier, nous avons connu des changements de la situation dans les pays d’origine et dans la pratique de la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA)». Avec ou sans admissions provisoires? Brigitte Hauser, dont l’Office dépend du Département de justice et police, préfère donc prendre de la hauteur. Et sur le long terme, «un tiers des requérants, environ, obtiennent notre protection (en tant que réfugié ou sous la forme d’une admission provisoire, n.d.l.r.) », tranche-t-elle.
Mais il en faut plus pour désarmer Claude Ruey! Tout en relevant la relative imprécision de cette déclaration, le libéral souligne que Rita Fuhrer, en utilisant le terme «toujours», «parle bien d’aujourd’hui et pas de la longue période». Les interprétations varient donc. Une autre preuve? «A fin juillet, 85% des requérants n’ont pas été reconnus comme réfugiés (statistique depuis le début de l’année, n.d..r.) », souligne Brigitte Hauser. Dans une interview accordée hier à L’Hebdo, l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifss évoque également ce pourcentage. Mais elle s’empresse d’ajouter que beaucoup de personnes «reçoivent des permis humanitaires provisoires parce qu’elles courent des risques réels dans leur pays». Et même si leur situation ne répond pas à la définition étroite du réfugié, ces gens sont «effectivement menacés». Au final, la socialiste se retrouve dans la même fourchette que Claude Ruey, en concluant que près de 50% de ceux qui frappent à nos frontières sont admis provisoirement ou définitivement.
CAROLINE ZUERCHER
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