vendredi 18 août 2006

Arithmétique partisane


L’abus d’arithmétique partisane pollue la campagne sur l’asile

Sur cent requérants, combien sont finalement accueillis par la Suisse? La question semble simple, mais les réponses sont multiples. Les chiffres sont-ils objec­tifs?
Les derniers épisodes de la campagne sur la loi sur l’asile semblent montrer le contraire. Suivant qu’ils se con­centrent sur le court ou le long terme, qu’ils comptabilisent ou non les personnes admises provi­soirement, partisans et oppo­sants du durcissement font dire aux statistiques officielles tout et son contraire. Une «guerre des chiffres», mise en évidence, hier, par l’ATS.
Tout est parti d’une lettre ouverte adressée par le conseiller national Claude Ruey aux mem­bres du comité bourgeois contre la loi sur l’asile, intitulée «L’arith­métique à Bonzon ou comment l’UDC abuse les citoyens». Le libé­ral vaudois n’a pas digéré les pro­pos tenus par la conseillère d’Etat UDC Rita Fuhrer, le 26 juillet lors d’une conférence à Berne. La Zu­richoise avait alors déclaré: «Nous sommes toujours confron­tés à quelque 10 000 nouvelles de­mandes d’asile par an dont 75% au moins sont abusives.» Sur le court ou sur le long terme? Faux, s’exclame Claude Ruey! Se basant sur les statistiques de l’Office fédéral des migrations (ODM), le Nyonnais affirme au contraire qu’«en 2005, 53,9% des demandes ont été au bénéfice d’admissions provisoires ou de la protection statutaire des réfu­giés ». Le Vaudois va encore plus loin en soulignant que, pour jan­vier à juin 2006, ce taux est de près de 70%. Conclusion du con­seiller national: «Ces chiffres sont accablants pour l’UDC qui per­siste à vouloir tromper le peuple en imaginant des abus et en les multipliant mensongèrement.» Rita Fuhrer n’était pas atteigna­ble, hier. «Je suis certain que ses chiffres sont corrects», souligne pour sa défense Simon Glauser, porte-parole adjoint de l’UDC. Alors, qui a raison? «Notre of­fice! » répond, à l’ODM, Brigitte Hauser. Selon cette porte-parole, tout dépend du regard porté sur les statistiques. Car si les chiffres de Claude Ruey sont corrects, il ne faudrait pas limiter l’analyse à la seule année 2005, «ce d’autant plus que, l’an dernier, nous avons connu des changements de la si­tuation dans les pays d’origine et dans la pratique de la Commis­sion suisse de recours en matière d’asile (CRA)». Avec ou sans admissions provisoires? Brigitte Hauser, dont l’Office dépend du Département de jus­tice et police, préfère donc pren­dre de la hauteur. Et sur le long terme, «un tiers des requérants, environ, obtiennent notre protec­tion (en tant que réfugié ou sous la forme d’une admission provi­soire, n.d.l.r.) », tranche-t-elle.
Mais il en faut plus pour dé­sarmer Claude Ruey! Tout en relevant la relative imprécision de cette déclaration, le libéral souligne que Rita Fuhrer, en utilisant le terme «toujours», «parle bien d’aujourd’hui et pas de la longue période». Les inter­prétations varient donc. Une autre preuve? «A fin juillet, 85% des requérants n’ont pas été reconnus comme réfugiés (sta­tistique depuis le début de l’an­née, n.d..r.) », souligne Brigitte Hauser. Dans une interview ac­cordée hier à L’Hebdo, l’an­cienne conseillère fédérale Ruth Dreifss évoque également ce pourcentage. Mais elle s’em­presse d’ajouter que beaucoup de personnes «reçoivent des permis humanitaires provisoi­res parce qu’elles courent des risques réels dans leur pays». Et même si leur situation ne ré­pond pas à la définition étroite du réfugié, ces gens sont «effec­tivement menacés». Au final, la socialiste se retrouve dans la même fourchette que Claude Ruey, en concluant que près de 50% de ceux qui frappent à nos frontières sont admis provisoi­rement ou définitivement.


CAROLINE ZUERCHER

Aucun commentaire: