Christoph Blocher dévoile une fibre écologiste qu'on ne lui connaissait pas: celle du recyclage. Hier, il a coup sur coup sorti de son chapeau un rapport sur l'intégration des étrangers publié au mois de mai et des mesures favorisant ladite intégration déjà annoncées le 5 septembre 2005, et théoriquement en vigueur depuis le 1er février dernier. A un peu plus de trois semaines d'une votation qui risque de placer la politique migratoire helvétique proche du néant humanitaire, cela ne tient évidemment pas du hasard. Elu fin 2003 au Conseil fédéral, Christoph Blocher va bientôt achever sa troisième année au Département de justice et police. Or le voici qui semble découvrir avec une colère certaine que l'intégration des étrangers présente des lacunes «considérables». Un qualificatif extrême que même l'Office fédéral des migrations (ODM), pourtant remanié selon le bon plaisir du chef, ne partage guère. Dans son rapport rendu public le 2 mai, l'ODM relevait des lacunes dans la politique menée, mais estimait le bilan globalement positif, compte tenu du budget limité – 14 millions de francs par année – dont il dispose. Mais, avec son art consommé de présenter des vessies pour des lanternes, le conseiller fédéral juge, quatre mois plus tard, qu'il faut sérieusement secouer le cocotier. Pour faire quoi au juste? Eh bien, pas grand-chose de neuf. Le ministre de la Justice s'est contenté, entre deux éructations de mécontentement, de plaider pour des cours de langue aux migrants et une meilleure coordination des actions menées entre la Confédération, les cantons et les communes. Une révolution de pacotille déjà adoptée par le Conseil fédéral il y a une année. Un communiqué du 5 septembre dernier, intitulé «Améliorer l'intégration des étrangers», annonçait noir sur blanc la modification de l'ordonnance sur l'intégration. Objectif? Conditionner l'octroi d'une autorisation de séjour à «l'obligation de fréquenter un cours de langue et d'intégration». En outre, l'ODM était appelé à assumer «une fonction coordinatrice en matière d'intégration». Ce trou de mémoire n'a pourtant pas empêché le conseiller fédéral Blocher de dire et redire à quel point un refus populaire de la loi sur les étrangers et de la révision de celle sur l'asile rendrait ces mesures difficiles à appliquer. Pour un peu, on l'imaginerait en train de s'apitoyer sur le sort des migrants si d'aventure les Suisses leur refusaient ce sursaut de générosité. Pourquoi dès lors traiter de romantiques toutes celles et tous ceux qui mènent campagne contre ces deux lois? Cessons de plaisanter. Si Christoph Blocher souhaitait réellement améliorer l'intégration des migrants, il l'aurait déjà fait. Lui qui utilise le thème de la politique migratoire depuis plus d'une décennie aurait dû, vu sa prétendue connaissance du sujet, agir à la seconde où il est devenu conseiller fédéral. Lui qui se définit en homme d'action aurait eu tout loisir de demander des fonds supplémentaires au parlement, plutôt que de réduire les effectifs de ses services. Au lieu de cela, il n'a cessé de montrer depuis trois ans que l'étranger ne lui sert que de fonds de commerce électoral, afin d'attiser les peurs des citoyens. Et leur faire croire que, en favorisant la précarité et en fermant davantage les frontières, l'harmonie régnera. Dans la plus grande des solitudes. | |
jeudi 31 août 2006
L'illusion de l'action
Lire l'éditorial de Marco Gregori dans le Courrier
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