MAROC
Ils sont des dizaines de clandestins à gamberger derrière les grillages des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila.Siaka et Aboubakar, deux Ivoiriens, surgissent entre deux arbres de la «brousse», forêt du nord du Maroc ceinturant l’enclave espagnole de Ceuta. Ils ont l’air fatigué et leurs chaussures sont déchirées, à force de marcher pour quémander à manger et de courir pour fuir les militaires. Avant, ils étaient près d’un millier venus de toute l’Afrique subsaharienne à camper comme eux dans cette forêt pour essayer d’entrer en Europe via Ceuta. Mais la nuit du 28 et 29 septembre, après des mois d’attente et comme d’autres l’avaient fait à Melilla, ils se sont jetés par centaines à main nues sur les barbelés pour les franchir en s’aidant d’échelles artisanales. Certains ont pénétré la citadelle de Ceuta, mais cinq sont morts. Le campement a été détruit. Beaucoup de migrants ont été refoulés en avion vers leurs pays d’origine. Depuis, les autorités espagnoles ont surélevé le double grillage frontalier à plus de 6 mètres.Côté marocain, on voit des militaires postés tout le long de la crête qui surplombe la frontière.Ils traquent les derniers migrants — une cinquantaine — dispersés dans la forêt. «Nous savions qu’après l’attaque forcée nos souffrances seraient bien pires. La sécurité est trop renforcée », explique Siaka, ancien commerçant aujourd’hui âgé de 27 ans. «Il n’y a que ceux du Bengladesh et du Pakistan qui arrivent à entrer. Eux ils ont de l’argent pour payer des mafias».«Ceux qui restent ici, c’est les « mains vides ». On ne sait pas quoi faire, on souffre encore plus qu’en Côte d’Ivoire où il y a la guerre», explique à son tour Aboubakar, ancien conducteur de camion de 24 ans. «Mais je ne peux pas rentrer chez mes parents avec cette blessure!», confie- t-il en sortant de sa manche une main mutilée. Il se souvient de cette fameuse nuit de l’assaut massif où il a perdu deux doigt : «Ils ont tiré à balles réelles». . Siaka et Aboubakar avaient été arrêtés et emmenés à la frontière mauritanienne. Ils s’étaient enfuis pour revenir à pied jusque dans la forêt de Ceuta. «Je compte surtout sur Dieu» Ils savent qu’une grande conférence sur la migration a lieu en ce moment à Rabat, convoquée après les drames de septembre et octobre 2005 aux grillages des présides espagnols. Trois migrants de plus sont morts la semaine dernière à Mellila, contre 14 à l’époque. Siaka espère que les politiques «vont décider des bonnes choses, pas seulement pour le développement de l’Afrique, mais aussi pour les gens dans la forêt.». Mais il s’avoue sceptique: «Je compte surtout sur Dieu» Les deux amis pensent à descendre en Mauritanie pour tenter de traverser à bord d’embarcations de fortune jusqu’aux îles Canaries, nouvelle voie de passage depuis la fermeture de la frontière à Ceuta et Melilla. 10 000 migrants y auraient accosté depuis le début de l’année. Les deux Ivoiriens craignent cette solution : «Ces derniers temps, beaucoup de nos amis avec qui on mangeait sont restés dans l’eau.»
ARMANDINE PENNA
RABAT
ARMANDINE PENNA
RABAT
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