mercredi 12 juillet 2006

Tel est pris qui croyait prendre

Lire l'article de Pierre-André Volet dans le Journal du Jura en ligne - Votre source pour des nouvelles régionales - Ressort: Suisse
Sans doute Christoph Blocher a-t-il voulu impressionner le 20 janvier dernier à l'Albisgütli. Devant les fidèles de la grand-messe de l'UDC zurichoise, le conseiller fédéral a qualifié de «criminels» deux réfugiés albanais. D'abord déboutés par les services du Département fédéral de justice et police (DFJP), les deux hommes avaient récemment obtenu gain de cause devant la Commission de recours en matière d'asile (CRA). Or, si ces personnes faisaient l'objet de poursuites en Albanie, elles n'ont pas été reconnues coupables. Le ministre de la Justice n'a donc pas respecté la présomption d'innocence prévalant dans notre Etat de droit. Mais ce n'est pas tout. Ce faisant, Christoph Blocher critiquait la CRA, suggérant qu'elle avait accordé l'asile à des criminels. Le 23 janvier, la NZZ revenait sur les paroles prononcées par le chef du DFJP à l'Albisgütli et la polémique s'enflammait. Dès février, la sous-commission DFJP de la Commission de gestion des Etats (CdG-E) enquête. Le rapport publié hier est éloquent. «L'auditeur du discours à l'Albisgütli ne pouvait que déduire que le chef du DFJP considérait que les deux Albanais étaient coupables», écrit la commission. Et de questionner: «Pourquoi sinon serait-il inadmissible que ces deux personnes aient obtenu l'asile en Suisse?» En effet! La CdG-E qualifie par ailleurs les critiques émises à l'encontre de la CRA de «partiales». Non seulement les deux réfugiés n'ont pas été reconnus coupables, mais c'est parce que la CRA estimait qu'ils faisaient l'objet de poursuites pour des motifs politiques qu'elle a accordé l'asile à ces deux personnes. Un avis partagé par le Tribunal fédéral. Le 22 mars, prié par le Conseil des Etats de s'expliquer, Christoph Blocher a menti aux sénateurs, affirmant n'avoir jamais traité les Albanais de criminels mais d'accusés. Sauter à pieds joints sur la présomption d'innocence, porter atteinte à l'indépendance de la justice, voilà qui fait mauvaise impression dans un discours de conseiller fédéral. Les faits sont établis, il reste à en tirer les conséquences. Qu'un ministre de la Justice se permette de telles bévues est inquiétant. Mais jusqu'à quel point? Sommé de prendre position d'ici à fin octobre, le Conseil fédéral donnera sa réponse. Affaire à suivre!

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