lundi 29 mai 2006

Carte blanche à Ruth Dreifuss dans Terre Nouvelle


L'ancienne conseillère fédérale préside le Comité national du double référendum sur la révision de la loi sur l'asile et la nouvelle loi sur les étrangers. Ce double référendum ayant formellement abouti, la campagne en vue des votations fixées au 24 septembre commence sans tarder. Ruth Dreifuss a accepté de présenter en quelques lignes les convictions qui l'habitent dans cet engagement actif et citoyen.
Quelle belle, quelle lourde responsabilité que la nôtre! Dans la plupart des démocraties, les citoyennes et citoyens sont appelés à élire leurs représentants puis à leur faire confiance jusqu'aux prochaines élections; en Suisse, le dernier mot nous appartient. En renonçant à lancer un référendum ou en exigeant que le peuple se prononce, puis en allant voter ou en nous abstenant et, finalement, selon la majorité issue de l'addition de toutes nos voix, nous confirmons les décisions des parlementaires ou leur demandons de remettre l'ouvrage sur le métier.
Remettre l'ouvrage sur le métier, voilà qui est nécessaire en ce qui concerne la loi sur les étrangers et la révision de la loi sur l'asile. Car le travail a été mal fait... et il fera mal s'il n'est pas corrigé. La hantise de l'abus a faussé la compréhension de la réalité et a abouti à proposer des mesures inefficaces et cruelles. Elles sont inefficaces parce qu'elles ne permettent ni de faire vraiment la différence entre celles et ceux qui viennent à nous parce que leur vie ou leur intégrité physique est menacée, et celles et ceux qui viennent en Suisse dans l'espoir, parfois dans l'illusion, d'y trouver un emploi et d'échapper à la misère. Elles sont aussi inefficaces parce que leur dureté même pousse dans la clandestinité celles et ceux qui devraient pouvoir regagner leur pays dans la dignité.
Inefficaces et cruelles sont les mesures de contrainte renforcées qui figurent dans la loi sur les étrangers et touchent tout particulièrement les candidats à l'asile qui ne peuvent ou ne veulent pas collaborer à leur expulsion; les interner pendant une période pouvant aller jusqu'à deux ans, jusqu'à un an pour des mineurs de 15 à 18 ans, revient en fait à leur appliquer une peine qui correspond à des actes autrement plus répréhensibles. Refuser d'examiner leur demande s'ils ne présentent pas des papiers d'identité, c'est croire que des personnes menacées peuvent s'adresser en toute confiance à leurs persécuteurs pour leur demander de les laisser s'échapper et d'aller témoigner dans un pays plus accueillant des souffrances qu'elles ont subies ou qu'elles ont de bonnes raisons de craindre. Inefficace et cruelle est aussi la privation de l'aide sociale à celles et ceux dont la demande d'asile n'est tout simplement pas examinée à fond, tout comme à celles et ceux dont elle a été rejetée. Cruelles et lourdes de conséquences sont les restrictions au regroupement familial pour les personnes qui vivent et travaillent en Suisse en toute légalité.
Et que dire d'une politique de la migration qui prétend répondre aux besoins de notre économie et en fait les ignore? Car les dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses employés au noir témoignent de vrais besoins, notamment dans l'économie domestique. Les femmes qui assument à la fois leur responsabilité familiale et un travail professionnel dépendent d'un appui à domicile, comme les personnes âgées qui veulent rester chez elles aussi longtemps que possible.
Des mesures bâclées, inefficaces et cruelles
Fermer la porte de notre pays à tous les candidats à l'immigration qui ne sont pas des ressortissants de l'Union européenne à moins qu'ils ne soient appelés à exercer des fonctions hautement qualifiées revient non seulement à fermer les yeux sur nos propres intérêts, mais à condamner ces travailleurs de l'ombre à une perpétuité de peur et de précarité.
Dans ce cas, le cœur a des raisons que la raison confirme. Tant le cœur que la raison nous invitent à rejeter la loi sur l'asile et la loi sur les étrangers. Nous tous, Suisses et étrangers, méritons mieux que ces mesures bâclées, inefficaces et cruelles.

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