mercredi 18 janvier 2006
Le Grand Conseil contre les renvois
Voici la manière dont 24heures, par la plume de Grégoire Nappey et Jean-Michel Jacot-Descombes, rend compte des derniers événements sur une pleine page de son cahier cantonal:
Nonante voix pour la motion Melly devenue décret, 66 contre et 8 abstentions. Le Grand Conseil a adopté hier en première lecture — il y aura un second débat — un texte contre le renvoi forcé des «523» requérants d’asile déboutés. Les discussions ont par ailleurs révélé une large majorité de députés disposés à aller demander le règlement des dossiers à Christoph Blocher.
Un calme étrange régnait hier dans la salle du Grand Conseil. Point de cette tension perceptible à chaque fois que le Parlement vaudois doit traiter de cette affaire si passionnelle. Plutôt une grande écoute de chacun et l’envie de calmer le jeu. «Tous ceux qui se battent depuis des mois en faveur de ces gens menacés d’expulsion ont des intentions louables, lançait d’entrée le libéral Philippe Leuba, rapporteur de minorité. Mais il faut aussi que l’on reconnaisse ces qualités humaines à nous, députés, ministres ou administration qui nous opposons à ce décret.» Le ton était donné: on ne jouera pas aux gentils et aux méchants.
Après vingt mois de crise, le plénum examinait en première lecture la motion du radical Serge Melly, qui s’était fait le porte-parole de la gauche. Le texte, déposé au printemps, demande pour les 240 requérants d’asile déboutés restants sur le groupe initial de 523 la fin des mesures de contrainte, l’autorisation d’exercer une activité lucrative ou de suivre une formation, l’assistance sociale de la Fareas, un permis de séjour renouvelé tous les six mois et la création d’une commission consultative. Acceptée par le Parlement, une motion contraint le Conseil d’Etat à présenter un projet; ce que Jean-Claude Mermoud a fait en automne, tout en demandant aux élus de le rejeter…
Renvois suspendus
Mais hier, le camp favorable au décret semblait avoir gagné encore du terrain, grâce à l’appui de 23 députés de droite qui ont voté oui ou se sont abstenus. Si le débat d’entrée en matière est resté digne, il n’en fut pas moins long, chacun y allant de son argument tantôt d’un juridisme pointu, tantôt dans une verve humanitaire.
Et puis, une fois la première lecture terminée, l’affaire aurait pu en rester là. C’était compter sans le nouvel élément du jour. Ebauchée par certains radicaux à la rentrée de septembre, reprise par les Eglises en décembre puis évoquée par une conseillère d’Etat bernoise, l’idée que Vaud fasse un mea culpa sur sa gestion du dossier et demande à Berne de fermer les yeux une dernière fois sur les dossiers restants était dans tous les esprits hier, de droite comme de gauche. Au point que l’aprèsmidi s’est terminée là-dessus: faut-il ou pas attendre le second débat pour envoyer une délégation chez Christoph Blocher?
A l’issue de sa séance hebdomadaire, le Conseil d’Etat donnera aujourd’hui ou demain un premier élément de réponse qui devrait être favorable à une démarche auprès de la Confédération. Jean-Claude Mermoud semble également disposé à suspendre tout renvoi en attendant de connaître le sort réservé au décret Melly. Alors que l’UDC annonce déjà vouloir faire recours ( lire ci-contre), l’embrouillamini semble encore loin d’être réglé.
Comment les députés de droite ont votés
A l’exception d’un Vert, la gauche a soutenu en bloc le décret Melly.
C’est donc bien à droite que le résultat s’est joué. Voici les noms de ceux qui ont fait la différence.
— OUI Les radicaux Stives Morand, Doris Cohen-Dumani, Olivier Français, Jean-Claude Rochat, Jean Martin, Gilbert Gubler, Serge Melly, Daniel Mange, Alain Gillièron, Jérôme Christen; les libéraux Eliane Rey, Philippe Vuillemin; les PDC Jacqueline Bottlang-Pittet, Georges Glatz.
— ABSTENTION Les radicaux Marcel- David Yersin, Linette Vullioud Laurent, Odile Jaeger Lanore, Frédéric Borloz; les libéraux Régis Courdesse, Pierre Rochat; l’UDC Jacques Chollet; le Vert Jean-Marc Chollet.
— NON VOTANT Le radical Jacques Perrin.
Paroles de députés
» Doris Cohen-Dumani (rad.) « De nombreuses erreurs ont été faites de tous côtés. (...) On ne doit pas faire payer à des êtres humains la politique mise en place il y a quelques années.»
» Jean-Pierre Grin (UDC) « Ce dossier a été mal géré par le passé.»
» Josiane Aubert (soc.) «Depuis vingt mois, les défenseurs de l’asile tendent des perches.»
» Philippe Vuillemin (lib.) «Je dénie à tous les autres cantons le droit de nous faire des remarques si nous adoptons une position différente dans le domaine de l’asile.
(...) En entrant en matière sur le décret, on renouvelle le dialogue fédéral.»
» Georges Glatz (PDC) «Soyons visionnaires en votant l’entrée en matière de ce décret.»
» Philippe Leuba (lib.) «Si on accepte le décret, on réduit à néant les chances de résoudre les cas les plus douloureux.»
» Nicolas Mattenberger (soc.) «Je ne peux pas vous assurer du succès de ce décret devant les tribunaux si un recours devait être déposé.»
» Sandrine Bavaud (Verts) «Une approche juridique ne peut pas régler tous les problèmes. »
» Odile Jaeger Lanore (rad.) «J’ai des doutes sur l’issue d’une démarche à Berne.»
» Serge Melly (rad.) «Comme par hasard, certains se découvrent de nouvelles intentions. Pourquoi n’avoir pas proposé plus tôt d’aller à Berne?»
Menace de recours
Les opposants au décret Melly n’ont jamais fait mystère qu’ils feraient recours auprès de la Cour constitutionnelle vaudoise si le projet devait être accepté. Hier, au terme de la première lecture, l’UDC n’a pas tardé à confirmer que telle était bien son intention.
«Notre parti dénonce l’attitude d’une majorité du Grand Conseil qui, par ce vote, laisse croire aux requérants déboutés qu’ils ont légalement la possibilité de séjourner et de travailler dans le canton, explique-t-elle dans un communiqué. Cette mise en scène politique conduit le canton de Vaud vers une impasse et retarde une nouvelle fois l’application des décisions de l’Office fédéral des migrations (ODM).» L’UDC se dit toutefois favorable à ce qu’une délégation vaudoise se rende à Berne pour tenter de trouver une solution.» Menace de recours ou non, Serge Melly savourait de son côté le soutien net apporté au décret: «C’est une victoire de la démocratie et des requérants.
Ma motion a servi de pression pour liquider cette affaire.
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