Lire l'article de Mickael Rodriguez dans Le Courrier
Alors que des pourparlers sont en cours avec Berne sur le sort des requérants éthiopiens et érythréens, le ministre UDC Jean-Claude Mermoud menace de sanctions les patrons qui refusent de les congédier.
L'interdiction de travailler frappant les requérants déboutés n'a pas fini de valoir des gestes de défi au Conseil d'Etat. Au mois de juillet dernier, une vingtaine de patrons écrivaient au Gouvernement vaudois pour lui signifier qu'ils ne procéderaient pas aux licenciements exigés par le Service de la population (SPOP). Aujourd'hui, le nombre des employeurs dissidents a doublé. Mais les patrons pourraient bien ne pas être les seuls à contester ouvertement la politique restrictive de l'exécutif.
Le Grand Conseil sera en effet saisi prochainement d'une pétition demandant l'abolition de l'interdiction de travailler. En commission, une majorité (4 voix contre 3) s'est dégagée en faveur de la transmission de ce texte au Conseil d'Etat. A en juger par le soutien constant qu'il a apporté aux pétitions traitant de la situation des requérants déboutés, le plénum devrait suivre cette recommandation.
Mais Jean-Claude Mermoud campe sur ses positions. Le conseiller d'Etat UDC lance même un avertissement aux patrons rebelles: «Ces employeurs courent un sacré risque. Nous ne cherchons pas à faire de chasse aux sorcières, mais lors de contrôles réguliers, il faut s'attendre à ce que nous traquions les travailleurs sans autorisation.» C'est dire si la démarche des patrons a été suivie, en novembre dernier, d'une fin de non-recevoir. «Si les employeurs craignent de manquer de forces de travail, nous sommes prêts à leur envoyer des chômeurs», lance Jean-Claude Mermoud.
Les pressions exercées sur les patrons dissidents ont de quoi étonner, à l'heure où le Conseil d'Etat est en négociation avec la Confédération sur le sort de certains requérants déboutés. Le Gouvernement vaudois vient en effet d'intervenir en faveur des 175 Ethiopiens et Erythréens concernés en première ligne par l'interdiction de travailler. En 2003, le canton avait déjà présenté leurs dossiers pour régularisation sur la base de la circulaire Metzler, mais l'Office fédéral des migrations les avait écartés d'office. Pourtant, ces requérants déboutés ne peuvent pas être renvoyés, l'Ethiopie et l'Erythrée refusant généralement d'admettre leurs ressortissants. Jean-Claude Mermoud espère donc obtenir une régularisation pour «les cas les plus anciens». Dans la négative, «qu'il s'en occupe lui-même!», lance-t-il à l'adresse de Christoph Blocher. Pour l'heure, les lettres du SPOP continuent pourtant de parvenir aux patrons de requérants déboutés. Récemment, plusieurs d'entre eux ont reçu l'ordre de licencier pour la fin décembre, voire «immédiatement». L'administration vaudoise aurait-elle décidé de passer outre les délais de congé prévus par le Code des obligations? «Je n'ai pas souvenir qu'on ait perdu un jugement au tribunal à cause de ça», rétorque Jean-Claude Mermoud. Pour le ministre UDC, les contrats de travail passés avec des requérants déboutés sont de toute façon «illégaux». En l'état, il semble que la jurisprudence ne permette pas de dire si l'absence d'un permis de travail prime ou non sur le Code des obligations. Pour l'avocat Christophe Tafelmacher, membre de la Coordination asile, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt plutôt contradictoire sur la question. «D'un côté, cet arrêt dit qu'un contrat conclu avec quelqu'un qui n'est pas autorisé à travailler en Suisse n'est pas nul. De l'autre, il affirme que cela peut justifier un licenciement avec effet immédiat». Pour l'avocat, cela ne prouve cependant pas encore que l'employeur doive le faire. Pour les requérants d'asile déboutés, la période des fêtes sera synonyme de trêve. Hier, Jean-Claude Mermoud a en effet annoncé devant le parlement qu'il n'y aurait pas de renvoi forcé entre le 20 décembre et le 10 janvier.
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