vendredi 9 septembre 2005

Les requérants à la pelle


A Bex le projet de proposer aux requérants de participer à des travaux d'intérêt public se met en place, au même moment l'UDC locale recueille des signatures pour fermer et vendre le centre...

Lire l'article d'Estelle Bressoud dans 24heures


Il est 9 heures passées en ce mardi matin, heure du cassecroûte. Assis dans le pick-up rangé en bordure d’une forêt des Plans-sur-Bex, le Congolais Sylvain Yomakoy et son compagnon de travail de Guinée-Bissau attendent, silencieux, la suite des opérations.
Picorant à l’extérieur en attendant de poursuivre sa mission de déblayage des talus, le petit comité d’employés communaux n’est guère plus bavard. «Ils n’utilisent pas les machines, pour des raisons de sécurité. Ils nettoient derrière», lâche-t-on en parlant des nouvelles recrues de l’équipe.
«Mieux nous intégrer»
Fin de la pause, juste le temps d’interpeller Sylvain Yomakoy. Il grelotte, l’air est frais: «Il y a quelques jours, j’ai travaillé en plaine», dit-il en guise d’explication. A Bex depuis une année, ce jeune homme souriant de 28 ans sait combien «les journées sont longues» dans les couloirs d’un centre où les tensions empêchent, selon lui, la naissance de liens d’amitié. «On a du mal à trouver du travail, on s’ennuie. Au centre, personne ne veut rien faire.» Et d’ajouter: «Cela nous permettra peut-être de nous intégrer. On est un peu mis à l’écart ici.» Au début, il fut «difficile» pour lui de s’adapter au rythme de travail. En nous dévoilant, rigolard, une plaie à la main, il s’avoue encore gauche dans la manipulation des outils.
Bien sûr, cet électricien de formation souhaiterait exercer sa passion et amasser un petit pécule pour réaliser son rêve, «apprendre à conduire». Mais l’argent ne compte pas parmi ses motivations. Pourvu qu’il puisse rompre l’ennui. Et prendre un bol d’air frais, «au calme»: «Une forêt ici ressemble à une forêt d’Afrique: ça ne parle pas...»
Des matins difficiles
Se remettre en selle après une période, parfois longue, d’inactivité ne va pas sans poser problème, selon le pilote du projet, Pascal Rochat. «Des journées qui débutent à 7 heures, c’est un gros choc pour des personnes qui se levaient avant entre 10 heures et midi. Une partie des participants se gèrent très bien — ils doivent se rendre au dépôt communal par leurs propres moyens. Pour d’autres, c’est plus difficile.» Au point que le concept actuel sera réétudié.
En cette matinée, le programme occupe des requérants d’asile à divers endroits de la commune. Dont la serre communale, où s’active un ressortissant africain, une tondeuse à gazon entre les mains. «J’ai eu quelques problèmes, en tant que fille, à donner des instructions», raconte la jeune responsable des lieux, Martine Schneeberger. Elle passera alors par un intermédiaire masculin. Elle sourit: «C’était comique.» Se voir prêter main-forte dans de «petits travaux simples» est appréciable: «On avance un peu plus vite lorsqu’ils sont là. Et on a de la chance. Ils sont tous très gentils et parlent bien le français.»

Interview de Pascal Rochat le responsable cantonal
«Il reste quelques adaptations à faire, mais dans l’ensemble cela se passe bien», se félicite Pascal Rochat, chargé de mettre en œuvre ce concept inédit dans le canton de Vaud. Lancé le 2 août à Bex, il doit durer trois mois. Imaginé par la Fondation vaudoise d’accueil des requérants d’asile (Fareas), il a pour but d’occuper à des travaux d’utilité publique les pensionnaires qui le souhaitent, en échange d’une petite rétribution: 100 francs le premier mois, à raison de vingt heures par semaine, 200 le deuxième, 300 le dernier. Et, accessoirement, contribuer à améliorer les relations avec les autochtones. Jardinage, fauchage: les tâches qu’ils se voient confier sous l’autorité du personnel communal — formé pour l’occasion — relèvent surtout de la manutention.
Image difficile à changer
Sur la quinzaine de participants, tous d’origine africaine, il en reste douze. «Deux sont sortis du programme pour des raisons de motivation», poursuit Pascal Rochat. Le profil de ces volontaires? Motivés, à l’aise avec la langue de Molière et manuels: «Il n’y a pas d’intellectuels. Bex héberge par exemple un juriste, pour qui cette activité ne convenait pas.» Quant à savoir si leurs efforts peuvent émouvoir une population en partie lassée par les péripéties à charge du centre, notre interlocuteur reste lucide: «Il ne faut pas rêver. Il est impossible de changer une image en si peu de temps.» Mais l’espoir demeure: «Dans les équipes de travail, certains ont modifié leur regard sur le requérant d’asile.» Fort de ces bonnes notes, le programme pourrait faire école. «De grosses communes du canton se disent intéressées.» Reste à s’entendre sur le nerf de la guerre. En clair: l’avenir de ce «test grandeur nature», financé aujourd’hui par la fondation et le canton, dépend des opportunités futures de partenariat. «A Bex toutefois, nous ne sommes pas au stade de réfléchir si on le poursuit ou non.»

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