vendredi 16 septembre 2005

Dix ans d’existence pour un bilan mitigé



En 1995, la Suisse mettait sur pied la Commission fédérale contre le racisme. Avec des pouvoirs et un budget limités, celle-ci montre un bilan mitigé, et évolue entre réprobation et indifférence. Retour sur dix ans de frustrations.

Voici l'article d'Antoine Grosjean dans 24 heures:

La création de la Commission fédérale contre le racisme, qui fête ses 10 ans aujourd'hui, est presque un miracle en soi. La Suisse venait d'adhérer à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui oblige les Etats signataires à se munir d'outils pénaux et de prévention. C'était d'ailleurs l'un des derniers pays à ratifier ce texte vieux de trente ans - et encore, en émettant des réserves sur le plan de la discrimination dans le marché du travail. Mais il a encore fallu passer par l'épreuve du référendum pour que la commission prenne forme. Dix ans plus tard, son existence est toujours controversée. A la dernière session d'hiver du Conseil national, le groupe UDC a déposé, sous la plume du remuant Oskar Freysinger, une motion demandant sa suppression. «C'est une question de liberté d'expression», explique le parlementaire valaisan. «En revanche, je suis pour que le racisme soit invoqué comme clause aggravante en cas de poursuites pénales pour diffamation ou injures.»

En dehors de la droite dure, personne ne remet en cause l'existence même de la commission. D'une manière générale, on la considère plutôt comme un indispensable signal d'alarme contre toute dérive raciste. Mais certains regrettent que ses pouvoirs soient si limités. En effet, cette commission extraparlementaire n'a aucun pouvoir de décision. Son travail consiste à émettre des rapports et des avis, comme elle l'a fait récemment en dénonçant des aspects discriminatoires des projets de loi sur les étrangers et sur l'asile. «Je lui donnerais volontiers plus de pouvoirs», confie la conseillère nationale genevoise, la socialiste Maria Roth-Bernasconi. «Mais elle reste nécessaire, surtout aujourd'hui, alors qu'on assiste à des dérives, par exemple dans le cadre de la campagne sur la libre circulation.»

Le conseiller national radical Jean-Paul Glasson considère quant à lui que la commission, véritable «mouche du coche, qui nous rappelle certaines réalités», ne doit pas avoir davantage de prérogatives. «Les tribunaux sont là pour sévir», note le Fribourgeois. «Il est vrai que le droit pénal suisse contre le racisme est faible, mais je préférerais que ce soient les esprits qui changent et non les lois.»

Au sein de la Commission fédérale contre le racisme, on ne cache pas une certaine frustration. «Notre budget de 180 000 francs par année est ridicule en comparaison internationale», regrette Boël Sambuc, vice-présidente de la commission, et par ailleurs membre de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). «Nos équivalents à l'étranger peuvent enquêter, auditionner, intenter des actions en justice, alors que nous devons nous battre pour obtenir des informations de l'administration.» Ainsi, le manque d'indépendance vis-à-vis des autorités prive la commission d'une reconnaissance internationale. Et puis, il y a cette impression de parler dans le vide. «Nous regrettons que Pascal Couchepin, notre ministre de tutelle, ne soit présent ni aujourd'hui pour cette célébration, ni en octobre, au moment où nous lancerons un nouveau programme de mesures.»

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