mardi 23 août 2005
Lettre aux esprits responsables
Muriel Langenberger, la responsable des programmes enfance en Suisse dans le cadre de la Fondation Terre des Hommes est aujourd'hui l'invitée de 24heures.
Voici sa lettre ouverte:
Des pères de famille sont en prison en attente d’expulsion. A l’heure de la rentrée scolaire, enfants et épouses devront les suivre bientôt, chassés dans un pays qu’ils connaissent parfois à peine. Où leur avenir est compromis.
Quelle faute ont-ils commise? Ils vivent depuis longtemps à nos côtés. Alors que des conflits déchiraient leur pays, des jeunes isolés ou des familles ont demandé la protection de la Suisse. Ils ont acquis nos usages, leurs enfants ont fréquenté nos écoles, des amitiés se sont tissées. Ils ont souvent travaillé dans la peine, tentant de surmonter les traumatismes d’avant.
En matière de renvoi, les cantons devraient se contenter d’exécuter les décisions fédérales. Soit. Mais qu’en est-il des personnes mineures et des droits les concernant? Pourquoi la Convention relative aux droits de l’enfant ne s’applique-t-elle pas avec la même rigueur que la loi sur l’asile? Notre Constitution fédérale est pourtant explicite: «La Confédération et les cantons sont tenus de respecter le droit international.1 »
La Convention des droits de l’enfant (CDE) précise clairement: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être
2 une considération primordiale. »
L’Etat doit garantir les droits convenus dans la Convention à tout enfant se trouvant sur son territoire, et cela sans discrimination3 . Ces droits appartiennent a fortiori pour un enfant réfugié ou qui cherche à obtenir le statut de réfugié, seul ou avec sa famille, en prévoyant une protection spéciale et une assistance humanitaire4 .
Que signifie la notion d’intérêt supérieur de l’enfant dans le dossier des familles expulsées? Avant d’ordonner le départ d’une famille, il faut évaluer les conséquences que cela peut avoir sur chaque enfant. Les années d’adolescence passées en Suisse, par exemple, ont une grande importance pour leur intégration, comme le Tribunal fédéral et la Commission de recours en matière d’asile5 l’ont relevé.
Il est également primordial de faire écouter l’enfant par du personnel qualifié, avant de décider d’un renvoi. L’Etat doit assurer à l’enfant, en fonction de sa maturité, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute ques-6
tion l’intéressant . Récemment, le Tribunal fédéral a fixé la nécessité d’entendre l’enfant dès 6 ans révolus, en cas de jugement de divorce. C’est aussi dès 6 ans que des mineurs doivent être écoutés par l’Office des migrations, pour apprécier les effets d’un rapatriement dans des lieux dont ils ne savent parfois plus la langue. Le canton qui exécute une expulsion nettement plus tard entendra l’enfant à son tour, en tenant compte de son degré présent de maturité.
La Fondation Terre des hommes s’inquiète des conséquences, sur une personne mineure, de mesures de contrainte prises à l’encontre de ses parents. Il est indispensable d’analyser, pour chaque cas, les effets de l’incarcération d’un des parents sur les enfants.
Première organisation suisse d’aide à l’enfance, Terre des hommes vous demande de mettre enfin en œuvre les dispositions de la Convention des droits de l’enfant dans toute décision qui concerne les moins de 18 ans. Parce que ces familles sont ici depuis très longtemps, elles doivent pouvoir rester.
1 Constitution de la Confédération suisse, article 5 alinéa 4.
2 Convention relative aux droits de l’enfant CDE, art. 3 al. 1.
3 art. 2 CDE.
4 art. 22 CDE.
5 Revue ASYL 1996-1 et 1997-2, JICRA 1998-3.
6 art. 12 CDE.
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