Lire l'éditorial de Didier Estoppey dans le Courrier:
Face aux durcissements programmés dans la nouvelle loi, des collaborateurs proches des réalités du terrain attirent l'attention des conseillers nationaux du centre-droite.
Un nouvel appel, mais une cible choisie au mieux. Ainsi pourrait se résumer la stratégie à l'origine d'une lettre ouverte qui vient d'être adressée aux conseillers nationaux romands du centre-droite. Avec l'espoir de sauver ce qui peut encore l'être dans une nouvelle loi sur l'asile en voie de durcissement drastique, sur laquelle devrait se prononcer le Conseil national en septembre.
Examiné une première fois par le National en juin 2004, le projet de loi a été ensuite modifié en urgence par le Conseil fédéral, avant d'être durci davantage encore par le Conseil des Etats, à l'instigation de Christoph Blocher, en mars dernier. Pour rappel, la loi telle qu'adoptée par les sénateurs prévoit notamment des délais de détention pouvant aller jusqu'à deux ans pour les requérants rétifs à leur renvoi, ou la privation de toute aide sociale, même du minimum d'urgence, aux déboutés récalcitrants. Une disposition contestée ensuite par un jugement du Tribunal fédéral.
Le renvoi comme objectif
Des mesures qui ont fait couler beaucoup d'encre, mais qui en font passer presque inaperçues d'autres tout aussi préjudiciables au sort des requérants. C'est sur elles qu'a choisi de mettre l'accent la Conférence romande des collaborateurs de permanences pour requérants d'asile (COPERA), qui regroupe depuis une dizaine d'années des professionnels de tous les cantons romands.
Forte d'une trentaine de signatures, la lettre ouverte se réclame de l'expérience quotidienne de ses auteurs pour affirmer que, sous prétexte de lutter contre des abus, certaines dispositions de la nouvelle loi ne visent en fait qu'un «seul objectif: renvoyer de Suisse des personnes gravement menacées qui obtiennent actuellement une protection en Suisse, malgré une pratique déjà très restrictive».
La lettre en cite particulièrement trois. Celle, d'abord, visant à frapper de non-entrée en matière les candidats à l'asile se présentant sans papiers d'identité. La nouvelle loi prévoit certes une admission de ceux qui pourront démontrer la valeur de leurs motifs dès la première audition. Mais seuls 30% des requérants qui ont obtenu l'asile en 2004 ont été reconnus comme réfugiés durant les deux premiers mois de procédure, rappelle la COPERA. Qui craint désormais le renvoi de centaines de requérants, en violation du principe de non-refoulement.
La suppression par le Conseil des Etats du statut, prévu au départ, d'admission provisoire est aussi pointé d'un doigt accusateur. Tout comme le projet de couper les vivres aux requérants même lorsque leur renvoi est suspendu par une demande de réexamen. Dans le but de les pousser à quitter le territoire sans attendre l'issue de la procédure.
«Vous ferez la différence»
La lettre vient d'être adressée à tous les conseillers nationaux romands radicaux, libéraux et démocrates-chrétiens. «Vous êtes au centre, c'est donc vous qui ferez la décision», leur rappellent les signataires. Qui, malgré la multiplication des appels déjà lancés sans grand succès, ne désespèrent pas d'être entendus. «En juin, la commission du National s'est prononcée, contrairement au Conseil des Etats, contre la clause prévoyant que la non-exigibilité d'un renvoi soit limitée aux requérants dont la vie est en danger, explique le Genevois Yves Brutsch, qui préside la COPERA. C'est un premier résultat obtenu par les organisations de défense du droit d'asile. Si le National suit sa commission, ce sont 3000 à 4000 personnes par année qui conserveront des chances de pourvoir rester en Suisse.»
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