mardi 12 juillet 2005

Une enquête à hauts risques pour les limiers du TPIY

C’était un soir d’hiver de 1999, dans un café d’Amsterdam. Stylo à la main, Jean-René Ruez dressa — rien que pour nos yeux — «l’organigramme des bourreaux», responsables du massacre de Srebrenica. Karadzic, Mladic, Kristic: ces trois-là, nous les connaissions déjà. Le commissaire français Ruez nous en livra d’autres, des officiers chargés de la sécurité ou du renseignement qu’il comptait bien «faire tomber»: Beara, Popovic, Obrenovic, Tolimir.

A l’époque, ces hommes n’étaient pas encore inculpés. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux couchent dans le centre de détention du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, à Scheveningen. Les généraux Tolimir et Mladic, le président Karadzic, eux, narguent la communauté internationale depuis dix ans. Outrée par tant d’impunité, Carla Del Ponte a annoncé qu’elle n’ira pas aux cérémonies de commémoration du génocide. Pour cet ancien flic de la brigade de répression du banditisme de Nice, l’enquête sur le massacre de «7574 personnes, principalement des civils, entre le 13 et le 18 juillet 1995» avait commencé avec son arrivée à Tuzla, dès le 20 juillet 1995, et la prise de témoignages de survivants. Mais c’est la reddition d’un exécutant, Drazen Erdemovic, qui marquera la première victoire de l’enquêteur. Erdemovic collaborera entièrement avec le TPIY au point qu’une étrange relation se développera entre le jeune repenti et son interrogateur.

Pendant six ans, Ruez mènera l’enquête avec tous les risques inhérents. Peu soutenu par l’ancien procureur adjoint, l’Australien Graham Blewitt, chacun de ses déplacements en Republika Srpska comportera des dangers: les mines dispersées par les hommes de Mladic autour des fosses communes, les suspects qui sont prêts à supprimer physiquement les enquêteurs du TPIY. «J’espère que je reviendrai entier», nous glissa plus d’une fois le commissaire en partance. Ruez a démissionné, physiquement et moralement épuisé. Aujourd’hui, il reste obsédé par les fosses communes. Mais sa persévérance, saluée par Mark Harmon, substitut du procureur au procès du général Krstic — «Ruez a été le cœur et l’âme de l’instruction» — a porté. En août 2001, Radislav Krstic a été condamné à quarante-six ans de prison. Sa peine sera réduite à trente-cinq ans en appel? N’empêche: le jugement est exemplaire: «En décidant de tuer tous les hommes en âge de combattre, on décidait de rendre impossible la survie de la population des Musulmans de Bosnie à Srebrenica. On est passé du nettoyage ethnique au génocide», juge le TPIY. Outre Erdemovic et Krstic, quatre autres militaires ont été condamnés à des peines de neuf à vingt-sept ans de prison. Neuf accusés attendent leur procès dans leur cellule de Scheveningen. Parmi eux, le général Peresic, ancien chef d’état-major de l’armée yougoslave, accusé d’avoir fourni une aide logistique à son armée sœur serbo-bosniaque.

L’ancien président Milosevic est également inculpé de génocide pour Srebrenica. Carla Del Ponte, procureur général du TPIY, a d’ailleurs demandé d’ajouter au dossier à charge une vidéo «retrouvée». Ce long document montre des membres des unités spéciales de l’armée serbe participant au massacre.

Lire l'article d'Alain Franco dans 24heures

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