mercredi 27 juillet 2005
Un retour, la mort dans l’âme - les espoirs trompés
Jessica, Vanessa, Mario Carvajal et Alicia Bosquez rêvaient de vivre en Suisse. Mais avec des papiers. Suite au rejet de sa demande de permis, une famille équatorienne sans papiers rentre au pays demain.
» Après six ans de travail en Suisse, et une réponse négative à sa demande de régularisation, la famille Carvajal repart en Equateur, entre tristesse et désillusion. Et sans projet.
L'article d'Aline Andrey dans 24heures
L’appartement s’est vidé petit à petit. Les meubles donnés ou jetés ont fait place aux valises. Le vol de retour, c’est pour demain. Après avoir passé respectivement six et cinq ans en Suisse, Alicia Bosquez et son époux Mario Carvajal se seront battus jusqu’au bout. Malheureusement, le permis tant attendu s’est mué en une carte de sortie. La lutte administrative pour leur régularisation aura été la dernière d’une longue série, après avoir combattu pour des conditions de vie dignes et un avenir meilleur pour leurs enfants.
Salaires de misère
En juillet 1999, Alicia Bosquez rejoint sa sœur, arrivée en Suisse quelques mois avant. Son but: remettre à flot les finances de la famille, mises à mal par la crise économique que connaît l’Equateur. Hébergées chez des compatriotes, elles se nourrissent à la Soupe populaire, apprennent le français, trouvent de petits travaux de ménages ou de baby-sitting, et commencent à rembourser l’emprunt nécessaire à leurs billets d’avion, puis les dettes de l’une et de l’autre.
«Avant de venir, je n’imaginais pas à quel point cela serait difficile. Avec ma sœur, nous nous sommes soutenues mutuellement, sinon je ne crois pas que nous aurions résisté. Et mes filles me manquaient tellement», se souvient Alicia Bosquez. Malgré son salaire qui ne dépasse pas 800 francs, elle envoie régulièrement de l’argent à sa famille, qui arrive à son tour en Suisse en juin 2000.
Ses filles, alors âgées de 4 et 9 ans, sont scolarisées. Mario Carvajal trouve un emploi de plongeur dans un hôtel lausannois cinq étoiles, à raison de 10 francs l’heure. Après trois ans, il obtient un contrat de travail et un salaire décent. Quelques mois plus tard, il est licencié, comme son épouse Alicia Bosquez, engagée comme femme de chambre deux ans auparavant. Tous deux sont engagés rapidement, lui dans un restaurant de Vidy et elle dans un hôtel à Ouchy. Ils paient leurs impôts et leurs assurances.
«Nos deux contrats de travail nous ont vraiment donné l’espoir que notre demande de régularisation allait être acceptée», raconte Alicia Bosquez.
Repartir de zéro
La demande déposée en octobre 2003 est alors en cours. «N’ayant jamais été contrôlés par la police, beaucoup nous disaient de ne pas demander la régularisation, que nous nous exposions pour rien. Mais pour nous, c’était essentiel de pouvoir offrir un futur à nos filles, en leur permettant de continuer leurs études», explique Mario Carvajal. Mais la décision qui tombe en 2004 est négative, tout comme les deux recours qui suivront.
Leur projet au retour? Aucun. Leur seule certitude: ils seront accueillis dans l’appartement subventionné de la mère d’Alicia Bosquez. «Nous allons devoir payer une école privée à nos filles pour qu’elles puissent se remettre à niveau en espagnol, car elles ne parlent que le français. A raison de 200 dollars par mois, ça va être difficile», explique Mario Carvajal. S’il obtient un poste de chauffeur de taxi, il ne peut espérer gagner plus de 300 dollars par mois.
«Nous avons demandé une aide au retour, afin d’ouvrir un petit négoce ou acheter un taxi, mais cela nous a été refusé, regrette Alicia Bosquez. J’ai l’impression de m’être trompée, que tout ce que j’ai fait ces dernières années n’a servi à rien. C’est difficile à accepter, toute cette énergie dans ce projet... et aujourd’hui il ne me reste plus rien. Nous avons été exploités par nos employeurs et nos bailleurs. Nous avons gagné moins et payé plus. Et pourtant, j’aime encore tellement ce pays!»
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