mercredi 13 avril 2005

L'avion de la honte...


Edito du rédacteur en chef du Courrier. Marco Gregori publié en une du 13 avril 2005.
"Le conseiller fédéral Christoph Blocher doit jubiler. Son fidèle chien de garde, le conseiller d'Etat vaudois Jean-Claude Mermoud, applique enfin les directives: hier, il a ordonné le renvoi manu militari des deux requérants déboutés et emprisonnés depuis un mois à la maison d'arrêt de Frambois, située dans le canton de Genève. Cette double expulsion intervenue hier, à l'aube, représente une véritable déclaration de guerre pour toutes les personnes –nombreuses dans le canton de Vaud– qui défendent le maintien d'un semblant de droit d'asile en Suisse. Elle est également lourde de sens.
D'abord, il s'agit des premiers renvois concernant le groupe dit des 523, en référence au nombre de requérants pour lesquels le canton de Vaud avait demandé à Berne une régularisation, mais s'était heurté à un refus. Cela signifie tout de même que les autorités vaudoises estimaient que, comme plusieurs centaines d'autres requérants, ces deux frères, Bosniaques du Monténégro, remplissaient les conditions, déjà drastiques à la base, pour rester en Suisse. Au final, pourtant, Jean-Claude Mermoud et ses services ont préféré faire fi de toute considération humanitaire pour se soumettre au diktat d'une Confédération de plus en plus «blocherisée».
En outre, les événements qui ont abouti hier au plus scandaleux des épilogues sont entachés d'irrégularités crasses. A des députés qui s'inquiétaient de l'emprisonnement avant renvoi des deux requérants, le chef du Service de la population, Henri Rothen, répondait que ceux-ci avaient sur le dos un passé pénal lourd et grave. On sait aujourd'hui que ces accusations n'étaient qu'arguties destinées à calmer la Coordination asile. Le seul reproche qui subsiste étant qu'un des deux frères conduisait des véhicules sans permis. L'écran de fumée levé, les expulsions ont été maintenues. Pourquoi? Parce que, rappelle le conseiller d'Etat vaudois Mermoud, le moratoire de trois mois sur les renvois décrété cet hiver ne concerne pas les célibataires. Une argumentation qui passe par pertes et profits le fait que les proches des deux expulsés vivent en Suisse et bénéficient de permis de séjour durables.
Face à de tels louvoiements et mensonges, l'inquiétude est immense. Il y a fort à parier, la brèche désormais ouverte, que les autorités vaudoises ont l'intention de poursuivre leur politique aveugle. Et qu'en sera-t-il lorsque le moratoire sera échu? Peut-on parier ne serait-ce qu'un centime sur la volonté de l'UDC Mermoud de trouver une issue humainement acceptable pour tous les requérants concernés? Certainement pas, vu la manière avec laquelle il a tombé le masque.
Seule une mobilisation populaire et politique de tous les instants peut encore enrayer la machine infernale. A ce titre, la rupture de collégialité des trois conseillers d'Etat minoritaires –les socialistes Anne-Catherine Lyon et Pierre-Yves Maillard, ainsi que l'écologiste François Marthaler– est salutaire. Même si elle se révèle bien tardive et peu ferme, elle doit également servir d'aiguillon aux trois autres magistrats de droite pour qu'ils se désolidarisent de leur compère Mermoud.
Comme l'ont rappelé l'ensemble des députés de gauche vaudois en quittant la séance du Grand Conseil hier après-midi, la conduite des affaires publiques ne peut se faire sans le respect de la dignité de chacun. Apparemment, Jean-Claude Mermoud l'ignore. A-t-il encore sa place au Conseil d'Etat? "

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