Après trente jours de jeûne diurne, la communauté islamique vaudoise célèbre l’Aïd-el-fitr. Reportage lundi soir.
«Pour commencer, un café turc avec de la cardamome!» lance Gian, dans son bel appartement du quartier des Chaînettes, à Yverdon. Le café, avant de manger? «C’est comme votre apéro», explique sa sœur, Pery, la cinquantaine fringante, installée en Suisse depuis trente-deux ans, membre de l’association des Paysannes vaudoises et animatrice dans un EMS.
Sur la table, pour ce repas qui marque la fin du ramadan (iftar ), des mets de toutes les couleurs: olives noires, vertes, mauves, chaussons à la viande, riz, poulet, salades, fruits. Et dans la carafe: du yoghourt dilué dans de l’eau salée.
Le menu est copieux, mais sans commune mesure avec l’iftar gargantuesque que Gian aurait fait mijoter en Irak, son pays d’origine: «Normalement, tout le monde s’active dans tous les sens une semaine avant. C’est l’ébullition. On fait les achats durant plusieurs jours et on s’habille de neuf.»
A Yverdon, seule la petite Tara, 10 ans, a eu droit à une robe neuve. «On garde nos mœurs, certes, mais on se fond dans la masse», explique Pery, qui a recouvré le goût du ramadan depuis que sa sœur l’a rejointe en Suisse il y a trois ans. «Mais en trente ans, j’ai perdu la capacité de jeûner totalement», avoue celle qui a épousé un Yverdonnois en 1980.
La petite Tara et sa sœur, Raya, se sont vu glisser une pièce dans la poche par les adultes. Elles iront faire un tour de manège et s’achèteront des bonbons. Gian et son mari, Mohamed, ont fait le tour des étages pour distribuer des kleecha (pâtisseries aux dattes et aux noix) aux voisins de l’immeuble. Justement, la voisine de palier sonne à la porte avec un bouquet, pour les remercier.
De la joie, non sans pincement au cœur: «On serait là-bas, la fête serait frénétique», dit Gian. «Tu parles! C’est un vrai bain de sang», renchérit son mari, en montrant les images des chaînes arabes qui tournent sur l’écran du salon. «Allez, allez! Ici, ce sera bientôt Noël», tente de consoler Pery. «Chez nous, on fête aussi Noël. Une fête de plus vaut toujours mieux qu’une fête de moins !»
Marion Moussadek dans 24 Heures
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