samedi 9 juillet 2011

Expulsions forcées, des images violentes

Les images diffusées jeudi soir par «10vor10» montrent un policier frappant, avec sa matraque, un requérant qui refuse d’entrer dans l’avion.

La mort d’un Nigérian sur le tarmac de l’aéroport de Kloten en mars 2010 avait rallumé la polémique autour des «vols spéciaux». Les requérants déboutés et les clandestins qui refusent de quitter la Suisse sont embarqués dans ces avions, ligotés, menottés, avec un casque de boxeur sur la tête. Voilà que des images diffusées jeudi par l’émission «10vor10» de la télévision alémanique remettent en exergue les risques liés à ces expulsions forcées.

On y voit clairement, à l’entrée de la porte d’un avion Swiss posé à Zurich, deux policiers frappant un requérant qui se débat. De plusieurs coups. Amnesty et d’autres ONG sont immédiatement montées au créneau pour dénoncer ces pratiques. De même que les Juristes démocrates de Suisse. Quelques heures plus tôt, l’Office fédéral des migrations avait divulgué un communiqué pour annoncer le premier vol spécial affrété par la Confédération en direction du Nigeria depuis le drame de mars 2010. Dix-neuf Nigérians «légèrement ligotés» ont été renvoyés et le vol «s’est déroulé sans incident», selon l’ODM.

Une enquête indépendante

Les images montrent effectivement des requérants qui montent d’eux-mêmes les marches de l’avion, sans casque et sans être attachés sur des chaises roulantes, comme l’a exigé le gouvernement nigérian. Jusqu’à ce que deux personnes se rebiffent. Et là, la situation dégénère. On aperçoit un groupe de plusieurs policiers tentant de hisser un requérant en haut des marches. Au sommet de la passerelle, deux policiers essaient de maîtriser le requérant avec des coups. L’un avec son poing, pour qu’il lâche la rampe à laquelle il se serait agrippé, l’autre avec sa matraque.

Contacté, l’ODM admet que 21 Nigérians devaient au départ être expulsés et que deux, qui se sont fortement opposés à leur renvoi, ont dû être ramenés au centre de détention de l’aéroport de Zurich. Dont celui qui a reçu des coups. A propos de la violence policière, voici ce que souligne au Temps Joachim Gross, le chef de la communication de l’ODM: «Il existe toujours des personnes qui s’opposent à leur expulsion forcée. La police doit, face à cette situation, adopter les mesures appropriées.»

Après avoir visionné ces images, la section suisse d’Amnesty International exige du gouvernement zurichois la mise sur pied d’une enquête indépendante pour établir le déroulement exact des faits. Elle demande aussi au directeur de l’ODM de garantir des experts indépendants sur tous les vols spéciaux et de laisser filmer les scènes. Amnesty a déjà recueilli plusieurs plaintes de requérants qui affirment avoir été frappés lors d’une expulsion forcée à Zurich. Le chef de presse de la police cantonale zurichoise a de son côté admis à «10 vor10» que les images n’étaient «pas belles». Avant de préciser vouloir tirer les choses au clair avec les policiers présents, issus de différents cantons. Vérification faite, deux membres de la Commission de prévention de la torture étaient sur le vol. Mais ils n’ont pas assisté à la scène, étant entrés dans l’avion qu’une fois que les requérants y étaient déjà.

Cette scène de violence est intervenue alors que les requérants étaient moins ligotés que précédemment. Et donc plus à même de se débattre.

Valérie de Graffenried dans le Temps


«Il est inadmissible qu’une personne entravée reçoive des coups»

Jean-Pierre Restellini, le président de la Commission de prévention de la torture. Propos recueillis par Valérie de Graffenried dans le Temps.

«Il est totalement inadmissible qu’une personne entravée reçoive des coups, que ce soit de poing ou de matraque». Jean-Pierre Restellini, le président de la Commission de prévention de la torture, confirme que deux membres de sa commission, en l’occurrence des commandants de police, étaient sur le vol spécial de jeudi pour le Nigeria. «Mais ils n’ont pas assisté à la scène car ils ne sont entrés dans l’avion qu’une fois que les requérants y étaient déjà. Voilà qui démontre que nous devons réajuster la procédure. J’ai en revanche vu les images et une telle scène est inacceptable.» Jean-Pierre Restellini précise par ailleurs que «contrairement à ce que l’ODM veut faire croire, nous n’officions pas comme experts indépendants censés être présents sur tous les vols - nous ne sommes pas en mesure de les assurer tous.»

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