La proposition de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga de transformer les procédures d'asile est une excellente chose - même si une telle réforme aurait dû arriver plus tôt.
Le fait qu'actuellement l'examen d'une demande d'asile dure en moyenne 1200 jours, soit près de quatre ans, est intolérable, d'autant qu'il ne s'agit que d'une moyenne: dans la pratique, cela peut être encore plus long. C'est intolérable aussi bien du point de vue du requérant, suspendu à une réponse qui ne vient pas, et qu'il attend dans des conditions assez précaires, que du citoyen suisse, qui peine à comprendre qu'il faille autant de temps pour trancher une situation personnelle. Et qui sait aussi que ce provisoire qui dure rend les expulsions de plus en plus difficiles, lorsqu'un semblant d'intégration s'est produit.
A cet égard, le pari de ramener la procédure à 120 jours est spectaculaire. Reste à espérer que dans la pratique quotidienne cet objectif s'avérera réaliste, ce qui impliquera des coûts supplémentaires. Mais certes, le raccourcissement des séjours dans les centres permettra un transfert de ressources probablement important.
L'intention affichée par Mme Sommaruga de créer des centres d'hébergement fédéraux, en lieu et place des centres cantonaux, est aussi un projet à soutenir. La situation actuelle est, on le sait, pénible, avec des cantons et des communes qui rechignent à assumer une tâche particulièrement ingrate, alors même que les décisions sont prises au niveau de la Confédération. Que cette dernière se charge plus directement de la politique d'asile n'est que logique.
Cette réforme intervient dans un contexte migratoire plus incertain qu'on veut bien le dire. Les milieux de défense des migrants brandissent fièrement les chiffres de demandes d'asile de mars et d'avril, en claironnant que l'afflux redouté de réfugiés économiques d'Afrique du Nord ne s'est pas produit. Pour autant, tout reste possible: les migrants d'Afrique du Nord sont toujours en Italie, et ils n'ont aucune intention de retourner chez eux, ni de rester à Lampedusa. Si la France persiste à ne pas vouloir accueillir tous ces Tunisiens qui, surprise, ont de la famille dans l'Hexagone, ils se tourneront par défaut vers d'autres parties francophones de l'Europe, dont la Suisse romande, pour ce qui nous intéresse.
Il reste néanmoins un obstacle délicat dont Mme Sommaruga n'a pas parlé - du moins si j'en crois mes journaux: c'est que le renvoi de requérants déboutés n'est pas une simple formalité. Entre ceux qui ont plusieurs identités, ou pas d'identité du tout, et les pays qui refusent le retour de leurs ressortissants, les opérations de renvoi continueront à être difficiles. Il faudra donc oeuvrer parallèlement au développement d'accords de réadmission, seule manière de mener jusqu'au bout une politique d'asile crédible. Cette réforme intervient dans un contexte migratoire plus incertain qu'on veut bien le dire.
Philippe Barraud, journaliste, pour l'édito du Nouvelliste
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