Candidat aux élections législatives finlandaises de dimanche, Tom Biaudet, d’origine suisse, se désole de la percée annoncée des «Vrais Finlandais», un parti populiste et nationaliste qui exploite la crise financière. Portrait et analyse du scrutin.
Tom Biaudet est un candidat à moitié engagé. Impliqué, ce Finlandais d’origine suisse l’est pleinement puisqu’il a mené campagne à Helsinki.
Mais après une bonne vingtaine d’années passées hors du pays nordique, il porte un regard très distancié sur la scène politique locale. Ce recul, s’il est loin de lui assurer une place dans le prochain parlement finlandais (Eduskunta), fait de cet homme de 60 ans au parcours varié un observateur avisé en cette période un peu particulière de l’histoire politique finlandaise.
Une affection particulière
Tom Biaudet est un arrière-arrière-petit-fils d’un pasteur originaire de Rolle, une commune située entre Lausanne et Genève. Il est arrivé à Helsinki en 1872 pour y enseigner le français à l’Université. La Finlande était alors encore un grand-duché de l’empire tsariste.
Tom Biaudet a gardé la double nationalité. «Ma culture est d’ici, de Finlande, mais on n’oublie pas ses racines», sourit-il lors d’une rencontre dans un café à l’ancienne des beaux quartiers de Helsinki, spacieux et haut de plafond.
«Le fait est que j’ai gardé une affection particulière pour la Suisse. D’ailleurs, ma femme a acheté pour nos enfants un appartement à Lausanne. Et à Rolle, on fait un bon petit vin!»
Au nom de la minorité suédophone
Tom Biaudet a passé une grande partie de sa vie active loin du Nord. D’abord à Rome et au Kenya pour le compte de la FAO, l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Puis, après trois années comme trader à Helsinki, départ pour la Normandie. Lui et son épouse y font l’acquisition d’un haras. Ce n’est que l’an dernier, après le décès de sa femme, qu’il s’est décidé à rentrer au pays.
Il a rejoint les rangs du Parti populaire suédois (SFP), qui représente la minorité suédophone de Finlande (6% de la population). Car les ancêtres du candidat avaient vite intégré cette minorité, héritage de six siècles de domination suédoise. La langue natale de Tom Biaudet est donc le suédois, la seconde langue officielle du pays.
Aujourd’hui, le statut de cette minorité et l’enseignement obligatoire du suédois dans toutes les écoles de Finlande sont de plus en plus contestés. En particulier par un parti populiste et nationaliste, les «Vrais Finlandais», qui en a fait un de ses arguments de campagne. Or ce parti a le vent en poupe.
Une campagne ultrapopuliste
Emmenés par le charismatique Timo Soini, 49 ans, les «Vrais Finlandais» sont crédités de plus de 15% des intentions de vote par les sondages, voire de 18%. Au scrutin de 2007, ils n’avaient obtenu que 4% des suffrages.
« Ce parti a fait une percée grâce à une campagne ultrapopuliste et un discours très conservateur sur les valeurs», fait remarquer Tom Biaudet. «Son chef, estime-t-il, n’a guère d’idées constructives, il se contente de critiquer dans tous les sens».
De fait, Timo Soini tranche sur le discours consensuel – «grisâtre et uniforme», selon lui – de la classe politique traditionnelle. Pour cet eurosceptique élu au Parlement européen en 2009, les plans de sauvetage montés en urgence par l’Europe pour sauver la Grèce et l’Irlande de la faillite «prouvent que le système marche sur la tête». Les Grecs, en particulier, en prennent pour leur grade: « Ils nous ont menti sur leurs comptes, qu’ils se débrouillent tout seuls!»
Tom Biaudet reconnaît qu’«une vague de mécontentement traverse la Finlande». «Avant la crise financière de 2008, le pays se portait bien, sa dette publique était réduite, sa balance commerciale excédentaire». Depuis, le chômage a augmenté, le climat social s’est tendu, des appels à la grève sont lancés.
Les étrangers…boucs émissaires
«Les gens, ajoute le candidat suédophone, ont besoin d’exprimer leur frustration d’une manière ou d’une autre et les partis politiques au pouvoir ont sous-estimé ce phénomène.»
Comme ailleurs en Europe, les étrangers servent de boucs émissaires, même s’il y en a proportionnellement moins qu’ailleurs. En Finlande, environ 3% d’une population totale de 5,4 millions d’habitants est née à l’étranger. On compte environ 40’000 musulmans, arrivés essentiellement depuis la fin des années 1980. Cela suffit pour inquiéter des Finlandais nullement habitués à l’immigration.
« Les Vrais Finlandais se créent des ennemis pour se faire des amis», regrette Tom Biaudet. Les réfugiés somaliens, en particulier, sont dans le collimateur de ce parti, qui compte dans ses rangs une frange ouvertement xénophobe.
Que faire des «Vrais Finlandais» s’ils réalisent la percée annoncée dans les sondages ? Faudra-t-il les intégrer à la prochaine coalition gouvernementale, comme l’envisagent les têtes de liste de quasiment tous les autres partis en lice? Timo Soini l’espère, lui qui rêve déjà d’un poste de ministre. A titre personnel, Tom Biaudet est contre. «Je ne pense pas que ce parti est là pour durer». Mais il n’aura sans doute pas son mot à dire car, il le sait, il n’a que très peu de chances d’être élu dimanche, étant donné la faible audience du parti suédophone.
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