Ancien président de la commune, Albert Arlettaz critique l’hébergement de demandeurs d’asile au domaine des Barges. Il s’explique.
L’intervention de l’UDC était prévisible; par voie de pétition, la section du Haut-Lac demande au Conseil d’Etat valaisan de renoncer à loger des requérants d’asile à Vouvry (24 heures du 2 mars) . Voir l’un des notables les plus respectés du village monter au créneau, en revanche, a de quoi surprendre. Mais Albert Arlettaz assume sa prise de position, publiée ces derniers jours dans les pages de courriers des lecteurs du Nouvelliste et de 24 heures . Selon lui, affecter une partie du domaine agricole des Barges à l’hébergement de candidats réfugiés est une hérésie pure et simple.
Aujourd’hui à la retraite, Albert Arlettaz était président de Vouvry lorsque l’Etat du Valais a décidé d’acquérir ces 165 hectares, situés au beau milieu de la plaine du Rhône. C’était en 1998. Novartis, le géant agrochimique héritier de Ciba-Geigy, cherchait à se séparer du vaste domaine qu’il exploitait depuis la Seconde Guerre mondiale. Le canton a déboursé 13,2 millions de francs pour rafler la mise. Novartis, puis Syngenta, sont alors devenus locataires de 57 hectares. Le reste a été dévolu aux grandes cultures et à la formation des agriculteurs.
Potentiel économique
Selon Albert Arlettaz, l’accueil de requérants d’asile viole le droit foncier rural, qui stipule qu’aucun immeuble ne peut être soustrait à une entreprise agricole. Faux, répliquent les autorités valaisannes. Car la loi prévoit une exception «lorsqu’une tâche d’intérêt public doit être remplie». Et l’occupation de candidats réfugiés en est une, insiste le canton. Tout en soulignant qu’aucun changement d’affectation ne sera nécessaire, puisque le centre occupera uniquement des bâtiments existants, et déjà voués à de l’hébergement.
Second argument de l’ancien président de Vouvry: la décision du Conseil d’Etat bafoue la vision stratégique qui a motivé le rachat des Barges. Alors député radical, il siégeait au sein de la Commission des finances du Grand Conseil, qui s’était démenée pour convaincre les élus. «Une telle surface, aussi bien située, c’était une opportunité unique. Si le parlement a voté oui à l’unanimité, c’est en raison du potentiel de développement économique du domaine. Nous imaginions que la création d’un pôle industriel ou technologique serait possible quelques décennies plus tard. Aujourd’hui, en y logeant des requérants, on perd de vue cet objectif visionnaire.»
Le gouvernement, pour sa part, estime que le potentiel économique des Barges reste intact. Pour l’heure, la vocation agricole des lieux n’est en rien modifiée. Les vingt à trente candidats réfugiés qui y seront logés effectueront divers travaux: agriculture, horticulture, élevage de petit bétail, etc. Par ailleurs, le domaine restera ouvert aux élèves de l’Ecole cantonale d’agriculture.
Albert Arlettaz aurait-il une dent contre les demandeurs d’asile? «Pas du tout.» Il est loin de cautionner la pétition de l’UDC, qui brandit le spectre de l’insécurité et du trafic de drogue. «A Vouvry, nous avons toujours eu une tradition d’asile, souligne celui qui fut à la tête de l’exécutif durant près de vingt ans. Notre politique progressiste en matière sociale a attiré de fortes communautés étrangères. Personnellement, je n’ai rien contre le fait d’accueillir des requérants dans la commune. Mais pas aux Barges. Pas au mépris des décisions politiques passées.»
Patrick Monay dans 24 Heures
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