Sous le règne de Mouammar Kadhafi, la Libye est devenue l'antichambre de l'Europe pour des milliers de migrants africains.
A la différence des 5.000 Tunisiens qui viennent de quitter leur pays pour se rendre sur l'île italienne de Lampedusa, ce ne sont pas des Libyens fuyant la guerre qui devraient frapper demain à la porte de l'Union européenne, mais une majorité de migrants originaires du sous-continent africain. Pour nombre d'entre eux, la Libye ne représente en effet qu'une étape, une voie de transit.
Pas moins de deux millions d'immigrés se trouvent actuellement sur le sol libyen. Parmi eux, des Maliens, des Nigériens, des Sénégalais, des Soudanais, des Tchadiens, des Burkinabés ou des Ghanéens, qui ont longtemps perçu ce pays comme une riche terre d'accueil. Vu de Paris, cela peut surprendre. Mais, à défaut de pouvoir se rendre immédiatement en Europe ou dans les pays du Golfe, les populations pauvres de l'Afrique de l'Ouest ne sont pas insensibles aux pétrodollars du colonel Kadhafi.
Certains secteurs de l'économie libyenne comme le bâtiment, la restauration, les services et, dans une moindre mesure, l'agriculture, reposent presque en totalité sur ces immigrés. Outre la manne pétrolière, c'est aussi l'image du fantasque dictateur qui explique cette présence étrangère massive (plus de 30 % de la population) dans un pays qui ne compte qu'un peu plus de 6 millions d'habitants. Après son accession au pouvoir en 1969, le « guide de la révolution » devient le chantre du « panafricanisme ». Il se prononce pour une suppression des frontières héritées de la colonisation, pour celle des visas aussi, ainsi que pour la mise place d'un gouvernement et d'une banque centrale africaine. Un activisme politique qui séduira plusieurs générations d'Africains aux yeux desquels Mouammar Kadhafi passe pour un véritable héros. En 2007, il propose encore à ses pairs du continent la création des Etats-Unis d'Afrique.
Mais rien n'est jamais simple avec lui. Alors qu'il ouvre – dans les périodes de croissance économique – les frontières de son pays à l'immigration, le leader de la « Grande Jamahiriya » utilise les étrangers qu'il reçoit comme bouc émissaire auprès de ses concitoyens (quand l'économie est en berne) ou comme arme diplomatique. Les quelque 1.800 kilomètres de côtes libyennes sont une aubaine pour les clandestins. Contre un contrôle accru de ces dernières et pour éviter (selon les propres termes de Kadhafi) « une Europe noire », les 27 ont accepté de fermer les yeux sur les aspects les plus répressifs du régime. En 2008, au terme d'un traité d'amitié avec l'Italie, Kadhafi reçoit même, des mains de Silvio Berlusconi, un chèque de 3,6 milliards d'euros destiné à l'aider « à lutter contre l'immigration clandestine ». Alors que la guerre s'étend à l'ensemble du pays, la surveillance des côtes n'est plus assurée. Pire, Tripoli menace à présent l'UE, de « lâcher » les migrants sur elle.
Jean-Claude Galli dans France Soir
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