A propos d'un éventuel afflux de réfugiés en provenance de Libye, Ariane Dayer signe l'éditorial du Matin Dimanche.
Déjà, on ergote. On envisage de trier rationnellement, de séparer le requérant politique du réfugié économique. Afin, bien sûr, de refouler le second. C’est la rhétorique défendue cette semaine par le chef de l’Office des migrations, Alard du Bois-Reymond. Il voit remonter le printemps arabe, ça lui donne des envies de nettoyage.
Curieux tout de même comme argumentation. Si les révolutions arabes n’ont pas de conséquences politiques, comment se fait-il que les pays du Nord s’affolent pour rapatrier leurs propres ressortissants? Si le problème est purement économique, pourquoi ne pas avoir injecté de l’argent plus tôt, pour éviter que l’éclatement du marché des matières premières ne sème une telle zizanie?
On voit d’ici les pauvres fonctionnaires qui devront argumenter: «Monsieur le Tunisien, retournez donc reconstruire votre pays qui vient si joliment de se libérer dans les effluves de jasmin. Le dictateur est parti, vous ne risquez plus rien.» Indécent.
Evidemment, l’angélisme n’est pas de mise. Il est refroidi par la réalité individuelle et concrète: pas sûr que nous soyons tous prêts à héberger trois Libyens dans le salon, ni des centaines dans l’abri du village. L’Europe ne pourra pas accueillir tout le monde, elle va devoir se donner des critères et ce sera complexe.
Mais il va falloir faire notre part. Dépasser l’hypocrisie d’avoir pleuré de joie devant le courage de ces révolutions pour s’en laver les mains après. En Suisse, l’UDC réclame déjà l’armée aux frontières, la Lega veut un mur en béton de 4 mètres de haut. En année électorale, le délire inflationnel menace. L’appel au sang-froid est vital.
Il n’y a pas, chez ces hommes qui fuient leur pays, de cas plus ou moins économiques, de définition manichéenne. Quand l’histoire fait un bond aussi énorme que ces dernières semaines, les étiquettes volent en éclats. Ne laissant qu’une certitude: un réfugié est toujours politique.
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