jeudi 17 février 2011

Les « boat people » de Lampedusa mettent l’Europe à rude épreuve

afflux lampedusa tunisiensLampedusa : le nom de ce confetti dans la Méditerranée est devenu tout un symbole, depuis l'arrivée ces derniers jours de quelque 5 000 migrants clandestins sur ses côtes. L'Europe s'est fait surprendre par l'affluence massive de Tunisiens mais le phénomène n'est pas nouveau. Lampedusa est depuis longtemps la première terre sur la route des migrants africains vers le nord.

Les quelque 6 000 habitants de cet îlot de 20 kilomètres carrés ont l’habitude de voir débarquer les migrants sur leurs côtes. Il suffit de regarder une carte pour comprendre : Lampedusa est plus proche de l'Afrique que de l'Europe. Accessible facilement par la mer, l'île est devenue la porte d’entrée idéale pour les migrants en quête d’une meilleure vie. En 2008 déjà, 32 000 « boat people » avaient débarqué dans le port de Lampedusa.

Cette fois-ci, c’est la«révolution de Jasmin» qui a provoqué un départ massif de Tunisiens vers l’Europe. Ce sont les déçus et les impatients du changement de régime qui arrivent, en profitant de la désorganisation des autorités locales. Pour la plupart, ce sont des hommes jeunes qui disent qu’ils ne trouvent pas de travail chez eux. La liberté, c’est bien beau, mais elle ne donne pas à manger, souligne l’eurodéputée du groupe des Verts, Hélène Flautre : « Le régime Ben Ali a considérablement appauvri la population et fermé toute perspective pour la jeunesse. Il faut donc mobiliser toutes nos forces pour soutenir ceux qui aujourd’hui en Tunisie se battent pour le développement du pays ».

Face à l'urgence, Bruxelles a promis de débloquer 17 millions d'euros immédiatement, et 258 millions d'euros d'ici à 2013 pour justement aider la Tunisie.

« Défendre nos frontières »

Au-delà d’une aide financière pour soutenir la transition démocratique et pour développer les régions tunisienne qui souffrent d’une extrême pauvreté, l’Europe devrait mettre en place une approche commune. C’est en tout cas l’avis du secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Laurent Wauquiez. Mais quelle politique ? Laurent Wauquiez, lui, se fait l’avocat d’une réponse sécuritaire : « Très clairement, avec le ministre de l’Intérieur , Brice Hortefeux, nous plaidons pour une relance européenne de la défense de nos frontières. Nous devons renforcer les capacités opérationnelles de l’agence Frontex (Agence européenne de surveillance des frontières extérieures) et créer une coordination des différents gardes-frontières ».

Rome est sur la même longueur d’onde que Paris : les Italiens ont demandé un élargissement du rôle de Frontex. Mais cela paraît difficile, tant que les 27 ne lui accordent pas assez de moyens pour acheter des bateaux et des hélicoptères. Aujourd'hui, Frontex n'est doté que de 90 millions d'euros par an.

Dans le passé, l’Europe pouvait compter sur les régimes autoritaires pour empêcher un départ massif des candidats à l’immigration. Aujourd’hui, ce n'est plus le cas. Les régimes s’écroulent les uns après les autres, il faudrait définir une nouvelle politique d’immigration et d’asile. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, n’est pas la seule à la réclamer : « Nous devons établir un système commun d'asile au plus vite. Dans une Union de valeurs partagées, il n'est pas concevable d'avoir de telles différences entre les pays membres. Nous devons protéger les plus vulnérables, nous avons besoin d'un système efficace pour que les gens ne restent pas des mois et même des années dans les centres de rétention. C'est douloureux pour les individus et très cher pour la société. Nous avons besoin d'améliorer cela ».

Bruxelles est impuissant tant que les 27 n’accordent pas leurs violons

Cecilia Malmström et son équipe de la Commission à Bruxelles se disent impuissants tant que les 27 gouvernements n'accordent pas leurs violons. Il faut savoir que nombre de pays - Grande-Bretagne et pays scandinaves en tête - refusent toute solidarité européenne avec les Etats comme l'Italie, la Grèce ou l'Espagne qui sont confrontés régulièrement à un afflux important de migrants et de demandeurs d'asile.

Pendant que les débats continuent, il faudra trouver une solution pour ceux qui ont ces derniers jours choisi Lampedusa pour atteindre l’Europe. Dans un premier temps, le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini avait souhaité un rapatriement au plus vite. Le Conseil de l’Europe, lui, exige qu’il n’y ait pas d’expulsion massive, comme le souligne Marc Neville, directeur du département immigration à l'assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. « Le problème est que dans ce groupe, vous trouvez des migrants, des demandeurs d'asile et des refugiés. Vous ne pouvez pas tout simplement les renvoyer tous ensemble. Il y en a qui ont des besoins de notre protection. Il faut donc traiter chaque cas individuellement ».

De toute façon, l’accord bilatéral entre la Tunisie et l’Italie qui permettait des rapatriements, n’est plus appliqué pour le moment. Pas moins de 2 000 migrants se trouvent actuellement à Lampedusa, dans un centre d’accueil qui n'a que 800 places.

Heike Schmidt pour rfi

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